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IRÈNE ET LES EUNUQUES

casques des cavaliers galopant au milieu d’elle, donnant à droite, à gauche, de grands coups avec les hampes de leurs piques selon le geste lointain du sévère Lachanodracon.

Eutychès fendait le torrent, sans gestes, pareil à un léviathan fatal. Autour de lui, les fouets des gardes tournoyaient pour faire le vide.

Cela dura tout le matin. Quand le soleil s’approcha du zénith, les bergers remarquèrent que les lueurs des crânes ras formaient une seule masse. Ils la comparèrent à une plantation de courges mûres. Ils en discernèrent qui émergeaient à peine des eaux, et que le flux venait régulièrement couvrir de son écume, à chaque fin de sa course éternelle.

De l’autre côté, contre l’embouchure du fleuve, les soldats avaient réuni toutes les religieuses. Les voiles bleus ondulaient comme les fleurs des champs.

Dans le vaste espace laissé libre entre ces deux parties de la foule, l’eunuque allait avec son cortège. Des esclaves allumaient de grands feux ; et les bourreaux, reconnaissables aux bêtes peintes sur leurs poitrines, y faisaient rougir les fers qui servent pour aveugler les criminels.

Alors, les laboureurs se dirent :

— Qui suppliciera-t-on ?…

— Des juifs, sans doute…

— On les amènera tout à l’heure de Byzance et on les aveuglera pour qu’ils ne puissent voir la seconde naissance du Iesous.