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IRÈNE ET LES EUNUQUES

qui est mort pour toi, de Thomas qui agonise au cloître, celle d’Eutychès, de Staurakios, de Pharès et de moi. Tu as lentement miné l’obstacle. Onze ans tu as miné l’obstacle. Aujourd’hui l’obstacle est en terre, et les maçons édifient le tombeau. Si notre Pharès sut composer les thériaques secrètement réclamés de lui par ton époux pour accroître indéfiniment sa vigueur et t’aimer indéfiniment, si l’usage de ces aphrodisiaques ont enflammé le sang isaurien, comme il convenait de s’y attendre, Irène, toi, tu as su renouveler ses désirs et les rendre si fiévreux qu’il a préféré mourir à ne pas les satisfaire. Laisse-moi parler encore. Je ne crains pas la double hache de ton sourd-muet qui me guette, ni toi-même, mon écolière ! Maîtresse des Romains, tu demeures, en effet, mon écolière !

— Tu t’abuses, ô Mesureur de l’Abyme ! Tu t’abuses, en vérité ! Que ta sagesse gouverne le Palais, qu’elle attire les auditeurs dans l’École, que mille têtes se pressent dans la salle des Apôtres pour t’entendre pérorer sur l’Un et le Non-Un, lequel est l’Un en tant que soumis à l’action de l’Un, mais Non-Un, par sa propre nature ! Que tu distribues les charges à tes perroquets favoris ! Cela je te le permets parce que tu m’amuses, Jean Bythométrès ; et aussi parce que je t’aime. Je t’aime comme mon aîné mal barbu !

Elle tâchait de paraître à la fois insolente et fraternelle. Elle s’étonnait que de la crainte la gênât, une crainte d’être jugée sans indulgence par celui