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GOUVERNEMENT FÉDÉRAL.

J’ai fait sentir plus haut que, quand on avait voulu établir la constitution fédérale, deux intérêts opposés s’étaient trouvés en présence. Ces deux intérêts avaient donné naissance à deux opinions.

Les uns voulaient faire de l’Union une ligue d’États indépendants, une sorte de congrès, où les représentants de peuples distincts viendraient discuter certains points d’intérêt commun.

Les autres voulaient réunir tous les habitants des anciennes colonies dans un seul et même peuple, et leur donner un gouvernement qui, bien que sa sphère fût bornée, pût agir cependant, dans cette sphère, comme le seul et unique représentant de la nation. Les conséquences pratiques de ces deux théories étaient fort diverses.

Ainsi, s’agissait-il d’organiser une ligue et non un gouvernement national, c’était à la majorité des États à faire la loi, et non point à la majorité des habitants de l’Union. Car chaque État, grand ou petit, conservait alors son caractère de puissance indépendante, et entrait dans l’Union sur le pied d’une égalité parfaite.

Du moment, au contraire, où l’on considérait les habitants des États-Unis comme formant un seul et même peuple, il était naturel que la majorité seule des citoyens de l’Union fît la loi.

On comprend que les petits États ne pouvaient consentir à l’application de cette doctrine sans abdiquer complétement leur existence, dans ce qui regardait la souveraineté fédérale ; car de puissance corégulatrice, ils devenaient fraction insignifiante d’un grand peuple. Le premier système leur eût accordé