Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 1.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
208
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

cutif ne songe qu’à la lutte qui se prépare ; il n’a plus d’avenir ; il ne peut rien entreprendre, et ne poursuit qu’avec mollesse ce qu’un autre peut-être va achever. « Je suis si près du moment de ma retraite, écrivait le président Jefferson, le 21 janvier 1809 (six semaines avant l’élection), que je ne prends plus part aux affaires que par l’expression de mon opinion. Il me semble juste de laisser à mon successeur l’initiative des mesures dont il aura à suivre l’exécution et à supporter la responsabilité. »

De son côté, la nation n’a les yeux tournés que sur un seul point ; elle n’est occupée qu’à surveiller le travail d’enfantement qui se prépare.

Plus la place qu’occupe le pouvoir exécutif dans la direction des affaires est vaste, plus son action habituelle est grande et nécessaire, et plus un pareil état de choses est dangereux. Chez un peuple qui a contracté l’habitude d’être gouverné par le pouvoir exécutif, et à plus forte raison d’être administré par lui, l’élection ne pourrait manquer de produire une perturbation profonde.

Aux États-Unis, l’action du pouvoir exécutif peut se ralentir impunément, parce que cette action est faible et circonscrite.

Lorsque le chef du gouvernement est élu, il en résulte presque toujours un défaut de stabilité dans la politique intérieure et extérieure de l’État. C’est là un des vices principaux de ce système.

Mais ce vice est plus ou moins sensible suivant la part de puissance accordée au magistrat élu. À Rome, les principes du gouvernement ne variaient point, quoique les consuls fussent changés tous les ans,