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Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 1.djvu/244

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GOUVERNEMENT FÉDÉRAL.

Du moment où un particulier croit voir qu’une loi de son État blesse un droit de cette espèce, il peut refuser d’obéir, et en appeler à la justice fédérale[1].

Cette disposition me paraît attaquer plus profondément que tout le reste la souveraineté des États.

Les droits accordés au gouvernement fédéral, dans des buts évidemment nationaux, sont définis et faciles à comprendre. Ceux que lui concède indirectement l’article que je viens de citer ne tombent pas facilement sous le sens, et leurs limites ne sont pas nettement tracées. Il y a en effet une multitude de lois politiques qui réagissent sur l’existence des contrats et qui pourraient ainsi fournir matière à un empiétement du pouvoir central.

    compagnie est un contrat, et fait la loi à l’État aussi bien qu’au concessionnaire. L’article de la constitution dont nous parlons assure donc l’existence d’une grande partie des droits acquis, mais non de tous. Je puis posséder très légitimement une propriété sans qu’elle soit passée dans mes mains par suite d’un contrat. Sa possession est pour moi un droit acquis, et ce droit n’est pas garanti par la constitution fédérale.

  1. Voici un exemple remarquable cité par M. Story, p. 508. Le college de Darmouth, dans le New-Hampshire, avait été fondé en vertu d’une charte accordée à certains individus avant la révolution d’Amérique. Ses administrateurs formaient, en vertu de cette charte, un corps constitué, ou, suivant l’expression américaine, une corporation. La législature du New-Hampshire crut devoir changer les termes de la charte originaire, et transporta à de nouveaux administrateurs tous les droits, priviléges et franchises qui résultaient de cette charte. Les anciens administrateurs résistèrent, et en appelèrent à la cour fédérale, qui leur donna gain de cause, attendu que la charte originaire étant un véritable contrat entre l’État et les concessionnaires, la loi nouvelle ne pouvait changer les dispositions de cette charte sans violer les droits acquis en vertu d’un contrat, et en conséquence violer l’article i, section x, de la constitution des États-Unis.