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L’Arroseur


C’était le printemps !

Un printemps tard éclos, mais tout de suite redevenu radieux et peut·être même torride.

Les petites femmes enfin désemmitouflées — oh qu’enfin ! — trottinaient alertes, jolies comme des cœurs, avec leurs robes claires et leurs chapeaux où s’apâlissaient les rubans bleu tendre ou les plumes roses, si peu roses qu’on eût dit des plumes arrachées à des ailes d’âme. C’était le printemps  !

De leurs tables et chaises, les limonadiers encombraient tout l’asphalte ambiant, ne laissant à la passée des pédestres que l’insuffisante et granitique bordure des trottoirs. C’était le printemps !

Les dames de la petite bourgeoisie examinaient l’alpaga d’antan de leur mari et, non sans liesse, constataient qu’il pourrait encore aller très bien cette année. C’était le printemps !

Dans les cafés de la rive gauche, des jeunes hommes tumultueusement chevelus demandaient de quoi écrire, pour, en des vers brisés mais définitifs, dire la Gloire du Renouveau. C’était le printemps !