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L’ARROSEUR

Adorant les voitures, raffolant des chevaux, Puyrâleux n’eut aucun mérite à devenir la crème des tringlots.

Son habileté proverbiale tint vite de la légende : il eût fait passer le plus copieux convoi par le trou d’une aiguille, sans en effleurer les parois.

Vernon s’entoure de charmants paysages, mais personnellement c’est un assez fâcheux port de mer. Pour ne citer qu’un détail, ça manque de femmes, oh combien ! De femmes dignes de ce nom, vous comprenez ?

Entre la basse débauche et l’adultère, Gaston de Puyrâleux n’hésita pas une seconde : il choisit les deux.

Il aima successivement des marchandes d’amour tarifé, des charcutières sentimentales, le tout sans préjudice pour deux ou trois épouses de fonctionnaires et une femme colosse de la foire.

Ajoutons que cette dernière passion demeura platonique et fut désastreuse pour la carrière du jeune et brillant tringlot.

La Belle Ardennaise était-elle vraiment la jolie femme du siècle, comme le déclarait l’enseigne de sa baraque ? Je ne saurais l’affirmer, mais elle en était sûrement l’une des plus volumineuses.

Son petit mollet aurait pu servir de cuisse à plus d’une jolie femme ; quant à sa cuisse, seule une chaîne d’arpenteur aurait pu en évaluer les suggestifs contours.

Sa toilette se composait d’une robe en peluche chaudron qui s’harmonisait divinement avec une toque de velours écarlate. Exquis, vous dis-je.

Et voilà-t-il pas que cet idiot de Gaston se mit à devenir amoureux, amoureux comme une brute de la Belle Ardennaise !

Mais la Belle Ardennaise ne pesait pas tant de kilos pour être