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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Hans Meister, lui, ne regardait rien. Il demeurait absorbé dans une pensée, facile à deviner : Comment se débarrasserait-il de ce monstre d’enfant ?

De temps en temps, Maurice et Jean se donnaient un coup de coude, ou échangeaient un clignement d’oeil au sujet de l’homme au louche regard.

On traversa la station de Rochefort, chef-lieu de canton situé au pied de deux sommets volcaniques ; puis la station de Pontgibaud, bâti en amphithéâtre sur la coulée de lave du puy de Côme, au bord de la Sioule.

Maurice du Vergier, après avoir averti son camarade par un signe d’intelligence, dit à l’Allemand en prenant une voix mielleuse :

— Vous savez… ou vous ne savez pas plutôt, qu’à une lieue de Pontgibaud, en descendant la Sioule, il y a des mines de plomb argentifère… qui ne le cèdent en importance, en France, qu’à celle de Poullouaen, dans le Finistère…

— Et qu’est-ce que cela me fait à moi ? dit brusquement Hans Meister. Puissiez-vous en avoir une balle de ce plomb, grosse comme le poing, logée dans votre cervelle !

Maurice et Jean éclatèrent de rire.

À partir de ce moment, Maurice se fit un malin plaisir de mettre à l’épreuve la patience de l’étranger.

— Nous voici à Royat, à douze minutes de Clermont-Ferrand. C’est un joli village Royat, bâti au bord de la Tiretaine dans une situation délicieuse, au fond d’une gorge couverte d’arbres magnifiques…

L’Allemand détourna la tête et fit entendre un grognement.

— Ses sources sont très fréquentées. La montagne qui domine le village au sud, c’est le puy de Gravenoire.

Le grognement tourna au rugissement. Hans Meister, l’agréable mystificateur qui ne craignait pas, pour s’amuser en la compagnie de Jacob Risler, de mettre le feu à un buron de vachers ou à une chaumière de pauvres gens, trouvait mauvais qu’on s’imposât à lui comme cicerone. Il tira de son petit sac de toile son mouchoir rouge, et se mit en devoir de le nouer autour de sa tête en cachant ses oreilles, afin de s’isoler complètement.

— Ce n’est pas la peine, mein Herr, lui dit Jean, nous voici arrivés à Clermont-Ferrand.

En effet, le train entrait en gare de cette ville.

— Nous allons aller déjeuner dans un café où l’on est très bien, dit Maurice.

— Et qui paie ? demanda sèchement le compère de Jacob.