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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

crétaire. Il travaillait à un tableau des provinces de France ; « ça n’a pas beaucoup de rapport avec la musique, ajouta Modeste Vidal, mais je me suis mis à sa disposition. J’écris sous sa dictée. Le vénérable père de mon maître bien-aimé a presque perdu la vue en prolongeant outre mesure ses veillées d’étude. Demain, nous allons aux sources du Loiret, une des curiosités naturelles de la France ; vous viendrez avec nous, Jean ? Tu viendras, mon ami ? M. Pascalet y consentira si je l’en prie. »

Jean fit quelques objections, tirées de sa situation embarrassée ; mais le musicien ne voulut rien entendre.

M. Pascalet, mis dans la confidence du but des recherches du jeune garçon, le félicita de son énergie, et insista à son tour pour qu’il vînt avec eux. — Tu questionneras sur ton chemin, lui dit-il, le hasard peut te servir…

Le lendemain, de bonne heure, on se trouvait sur la route d’Olivet, en laissant en arrière la Loire et le pont d’Orléans.

M. Pascalet voulut que le trajet fût accompli à pied, afin que ses « jeunes amis » pussent jouir du paysage, qui vaut la peine d’être vu. On croisait les omnibus faisant le service régulier entre le village et le chef-lieu du département. Après avoir dépassé le faubourg Saint-Marceau, ils prirent place dans une petite barque.

Tout le long du Loiret s’échelonnaient d’élégantes villas champêtres : la Petite Pologne, l’Orbellière, le Poutil, qu’aimait Henri IV, Villebourgeon, Petit-Bois, Beauvoir, Bel-Air, la Fontaine dont Le Nôtre a dessiné les jardins, les Vallins, où le duc de Guise, frappé à mortpar Poltrot devant Orléans, vint mourir en 1563, enfin la Folie-Gauthier. Le batelier disait les noms de ces résidences. M. Pascalet, ajoutait une particularité historique, un éclaircissement, une date.

Entre deux sites, l’aimable savant parlait avec agrément de choses et d’autres ; il insistait notamment sur certains traits de caractère des habitants du Loiret. Les Orléanais, disait-il, sont d’humeur satirique ; dès le quatorzième siècle, ils s’étaient attiré le surnom de « guépins ». Ils ont eu de nombreux poètes pleins de finesse caustique ou d’un langage franc et hardi. Tels sont les plus célèbres d’entre eux, Guillaume de Loris et Jean de Meung, auteurs du Roman de la Rose. Ce ne sont pas les seuls hommes remarquables du département, dit encore M. Pascalet, j’en pourrais nommer d’autres : l’amiral de Coligny, tué à la Saint-Barthélemy ; Étienne Dolet, cet imprimeur brûlé à Paris sur la place Maubert ; le peintre Girodet…

M. Pascalet assura qu’à Orléans les choses du goût et de l’esprit ont con-