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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Modeste Vidal et de Jean, confiait le jeune garçon à l’ancien soldat, sur les instances réitérées de ce dernier.

Alors Jean, en vrai gamin de Paris, prit son essor à travers cours et jardins. Il se dédommagea d’avoir été astreint pendant bien des jours à une tenue correcte, en la compagnie de l’historiographe. Du haut des tours et des terrasses, il admira les plus beaux points de vue sur les bords de la Loire, s’amusant du va-et-vient de la navigation sur les deux bras du fleuve, regardant les pêcheurs à leur poste — qui lui rappelaient les pêcheurs à la ligne des quais de la Seine, — les blanchisseuses agenouillées dans les galets de la rive, les lourds bateaux débarquant du bois et du charbon…

Au delà, en pleine campagne, c’étaient, dans la large vallée, les maisonnettes entourées d’arbres, les troupeaux, les moissons en meules, et plus loin, dans un lointain vaporeux, les coteaux de Limeray, de Pocé, de Nazelles, de Noizay, dérobant dans leurs replis boisés de nombreuses habitations champêtres. Il grimpa au plus haut des tours, sous les combles du vieil édifice, pour redescendre l’instant d’après jusque sous les fondations du château où s’étendent d’immenses silos voûtés avec soin, appelés « greniers de César» et qui forment quatre étages superposés, mis en communication par un escalier de cent vingt marches.

Il ne se lassait pas d’admirer ces tours monumentales, exécutées par les ordres de Charles VIII, d’un effet si surprenant, et qui, à l’aide de pentes et de voûtes habilement combinées permettent de conduire une voiture tout en haut, jusque dans la cour intérieure du château.

Lorsque le petit Parisien eut un peu calmé son besoin d’agitation, son nouvel ami le sergent lui montra en détail une chapelle qui est un ravissant produit de l’art gothique, l’ancienne salle des gardes, les appartements abandonnés à Abd-el-Kader et à sa famille.

L’émir, dit le sergent Isnardon, fut enfermé ici pendant cinq ans… de 1847 à 1852, avec une nombreuse suite.

— C’est pour cela, s’écria Jean, qu’il y a dans les jardins un petit cimetière arabe !

— Justement. Eh ! tu les connais, les jardins !

— J’ai tout vu, tout, tout.

— Non, pas tout.

Et Vincent Isnardon entraîna Jean devant les créneaux.

— Tu as entendu parler de la conjuration d’Amboise, du temps de François II et de Marie Stuart ? Eh bien ! les Huguenots qui menaient la conspira-