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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

robent complètement à la vue ; et, de la plaine, Guérande apparaît comme un nid de verdure.

Les collines environnantes couvertes de vignes et de moissons, contrastent tout à fait avec les bords des marais salants, où les terres sont dépouillées de toute parure végétale. Il ne faudrait pas croire cependant que l’aspect du pays soit triste. De nombreux villages animent le paysage, et la vue est agréablement bornée du côté de l’océan par les monticules verts et les allées d’arbres qui égaient les abords du Croisic et du Poulinguen.

Entre ces deux ports, le Richard Wallace avait stoppé devant le petit port de Batz, qui est un coin des plus pittoresques du littoral breton. Le Bourg de Batz, édifié sur un fond de solides rochers, dresse la haute tour de son église et les murailles ruinées d’une ancienne abbaye. Quant à son port, bien que la mer s’y montre terrible dans ses jours de furie, la nature semble avoir voulu y rassembler tous les moyens de défense. Ce sont ici d’énormes rochers de formes capricieuses, se dressant comme les menhirs de la plaine de Carnac, plus loin des roches couchées dans l’eau, comme d’énormes monstres marins aux flancs polis et reluisants, sans cesse lavés par le flot ; ou encore des écueils qui ressemblent à des vagues dont la volute aurait été pétrifiée en un jour de tempête.

Sir William avait tenu à voir de près les marais salants. Ils lui firent l’effet de jardins maraîchers, divisés en carrés, et dont les carrés seraient pleins d’eau, les allées, au lieu de se trouver un peu au-dessus du sol cultivé le dominant de dix à douze centimètres. Ces carrés s’appellent « œillets ». Ils sont remplis par l’eau de la mer, introduite à marée haute et préalablement concentrée pendant quinze ou vingt jours, quelquefois trente dans un bassin ou « vasière » où elle commence à subir un premier degré d’évaporation. Elle est, après cela, conduite dans les « œillets» à travers un système assez compliqué de canaux qu’on nomme « étiers ».

C’est dans l’œillet, où l’eau n’a guère qu’un centimètre de profondeur, que le sel se forme, grâce à l’évaporation produite par le soleil et favorisée par le courant qui circule lentement entre les divers compartiments. Le vent, en renouvelant la surface de l’eau, aide aussi à l’évaporation. Le sel se cristallise à la surface, et forme une légère crème blanche qui exhale une odeur de violette assez prononcée. Ce sel de choix est utilisé pour les conserves alimentaires. Celui qui tombe de lui-même au fond du bassin prend une teinte terreuse, et a moins de valeur ; le paludier — c’est le nom de ces ouvriers des salines, — armé d’une espèce de long râteau ramène le sel sur des espaces