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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

L’Othello bondissait sous le vent et la pluie, passant au travers des lames dans une poussière faite d’écume ; les vêtements des naufragés étaient trempés d’eau ; mais Jean ne s’apercevait de rien ; faisant un retour sur ce voyage, la catastrophe dont il venait d’être le témoin — et la cause — lui paraissait de bien mauvais augure pour sa tentative. Affaissé sur lui-même, il se mit à pleurer à chaudes larmes comme s’il eût perdu un ami. Soudain retentirent les cris de toute une population attirée sur la plage ; il s’y mêlait des battements de mains. Jean comprit que le bateau de sauvetage avait accompli sa tâche, et que le péril de l’heure présente était détourné. Que lui réservait l’avenir ?

Peu à peu la joyeuse manifestation s’éteignit.

— Il en manque un ! cria sur le rivage une mâle voix.

Des yeux avides se portaient vers le canot ; des femmes, des enfants cherchaient un mari, un père. Le compte y était, — au moins pour ceux de Barfleur.

— Qui donc est mort ? demanda une femme.

— Un volontaire, répondirent les marins de l’Othello.

— Qui n’était pas de ce pays, ajouta l’un d’eux.

En ce moment, le canot touchait à la plage. Une foule bruyante se précipita pour voir de plus près les naufragés et le sauveteur victime de son dévouement.

— Ce sont des Anglais, disait-on dans les groupes ; avec un équipage français, observaient ceux qui apercevaient le pilote, le mécanicien et le mousse.

— Des touristes alors, dit un gamin ; ça se voyait au yacht de plaisance.

Le petit Parisien leva la tête et vit le canot entouré de toute une population émue et sympathique.

— Mais le mort ? le mort ? qui est-ce ? demandait-on.

— C’est, dit le patron du bateau d’une voix forte et qui couvrit tous les chuchotements un nommé Reculot, du Havre, arrivé d’hier à Barfleur. Un brave, mes amis, et qui a fini par y rester. Je le connaissais à sa valeur.

— Nous aussi, dirent plusieurs voix.

Jean fut pris d’un éblouissement. Ce cadavre… c’était celui de cet homme qu’il était venu chercher de si loin ! Le pauvre enfant se laissa tomber, découragé, sur un banc du canot.

— Ah ! quel plus grand malheur pouvait m’arriver ! murmurait-il anéanti. Et cet homme qui a trouvé la mort en me sauvant la vie… à moi… qui ne suis allé à sa recherche que pour lui fournir cette occasion de s’exposer ! En