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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/287

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Strasbourg pour le compte de laquelle Hans Meister faisait des achats dans le Cantal.

MM. Dillenburg et Bohlanden ayant reçu d’Orléans une lettre de leur agent, les informant en termes étranges de son voyage forcé à travers la France et de l’accident qui le retenait sur une chaise longue à l’hôpital général d’Orléans, conclurent à l’insanité d’esprit de Hans Meister et le remercièrent de ses services.

Toutefois Jacob Risler fut par eux renseigné sur la résidence de son ami. Il se rendit alors en hâte à Orléans, où il servit de bâton au convalescent dès ses premières sorties.

À Orléans même, les deux compagnons — les deux drôles — firent rencontre d’un pitre asthmatique et contrefait, de son nom Mathurin, dit Zéphir, dit Passe-lacet, grand avaleur de coups de pied, dans le haut des jambes et de bourrades dans le dos, tête à claques, à la tignasse jaune faite à point pour économiser une perruque de chanvre. Zéphir entraîna Jacob Risler et l’Allemand avec lui, leur promettant du « travail » dans la loge de Marseille jeune, — qu’il s’en allait rejoindre à Elbeuf — au premier comme hercule « amateur », au second dans la « musique : » Jacob ayant vanté l’énorme talent de son compère pour battre la caisse…

Incorporés, bientôt après, l’un et l’autre dans la troupe de Marseille, selon leurs aptitudes, ils avaient suivi le déplacement de la loge. Ils se trouvaient au Havre depuis une semaine, lorsque le même Mathurin, dit Zéphir, dit Passe-lacet, se fâcha avec Jacob Risler, qui lui avait administré nombre de coups de pied et taloches pour sa satisfaction personnelle, et non pour les besoins de la parade. Ces insultes reçues en petit comité étaient allées au cœur de Passe-lacet, et non content d’appeler Risler, Lorrain, « traître à Dieu et à son prochain » — ce qui est une injure depuis longtemps épuisée et de nul effet — il lui jeta à la figure que les gens de son pays — et de son nom — méritaient d’être fusillés comme des chiens, — et l’étaient : on pouvait s’en informer chez Jean Reculot d’Ingouville, qui avait les Risler dans ses « petits papiers ».

Jacob, tenant en respect le pitre en lui plaçant sous le menton un poing vigoureux, le força à s’expliquer davantage, et apprit que, par le plus grand des hasards, le sauveteur du cap de la Hève, ancien sergent dans les corps francs des Vosges se trouvait être celui-là même qui avait fait passer son frère Louis par les armes. Mathurin, de Sainte-Adresse, qui n’avait pas toujours été pitre, tenait les faits de Reculot : aux heures de la pêche