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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Le petit Parisien, avec son adresse ordinaire, sut bientôt que l’Allemand, arrêté la veille à la gare, avait été dirigé dans la soirée même à l’asile de Quatre-Mares, situé à Sotteville, près de Rouen, — à trois kilomètres au sud, en pleine campagne, à proximité de la Seine et de la forêt de Rouvray. Il reprit le chemin de fer et fut en quelques minutes à l’asile des aliénés.

On lui fit voir l’Allemand : c’était bien Hans Meister.

— Où avez-vous mis le carnet que vous avez dérobé ?

Ce fut la première parole que lui adressa Jean.

— Priant pardon, répondit le compère de Jacob, dérobé qu’est-ce ?

— Volé ! si vous aimez mieux. Oui, volé chez la vieille Normande d’Ingouville ?

— Moi ! je n’ai rien volé… J’ai l’honneur. Et d’abord je ne veux pas qu’on m’appelle M. Choucroute.

Il fut impossible de lui tirer un mot d’éclaircissement.

De ses bagages, l’Allemand n’avait conservé que la valise, — la malle de Jacob courant sur Paris. La valise ouverte par les agents de l’autorité, se trouva ne contenir aucune indication de nature à renseigner sur l’identité de cet étranger privé de raison…

Jean fit connaître à qui de droit ses griefs et on lui permit de réclamer le restant des bagages… On l’informerait… Il demeura jusqu’au lendemain à Sotteville, mais sans faire avancer les choses.

Alors, voyant son homme en lieu sûr, il s’en revint au Havre sans avoir pris de parti décisif : il s’inspirerait des circonstances.

Comme il approchait de la maisonnette d’Ingouville, une voiture stationnait devant la porte. Jean devina la visite de la baronne du Vergier. Il ne se trompait pas. La baronne arrivait de Caen par le chemin le plus direct, — avec son fils… Celui-ci n’avait pu retenir sur ses lèvres l’étonnante confidence contenue dans la lettre de Jean, et la pauvre mère accourait sur l’ombre d’un soupçon. Madame du Vergier et Maurice embrassèrent Jean avec une véritable tendresse, lui apportant toutes sortes d’amitiés du baron du Vergier. La baronne ne s’interrompait par instants que pour s’écrier :

— Conduis-moi, mon cher Jean, conduis-moi, sans retard vers cette enfant ! Qui sait ? qui sait ?… Ah ! si tu ne te trompais pas !

Ils prirent la rue conduisant au Champ de foire.

Déjà ils apercevaient la loge d’étoffe rayée des Fantaisies dramatiques, la façade principale tapissée de grandes toiles vigoureusement peintes à l’huile