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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/336

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

billon. Il le frappa de son bâton sur les bras, et voyant que le camarade de Jean se baissait pour ramasser une grosse pierre pointue, il lui asséna sur la tête un violent coup de son bâton.

Barbillon s’affaissa sur ses genoux sans proférer une parole, il ferma les yeux ; un filet de sang suinta de son front ouvert.

— À nous deux maintenant ! fit l’Allemand en s’avançant vers le petit Parisien. Sa physionomie révélait des intentions atroces. Il leva haut son terrible gourdin et il allait, bien sûr, commettre un meurtre, lorsque ses yeux louches aperçurent à quelques pas de sa victime, sur la mousse, la montre d’or avec sa chaîne, présent de miss Kate : elle s’était décrochée lorsqu’il avait secoué Jean.

Soudain, en homme qui appartient à une race positive, Hans Meister, retint le coup, mortel peut-être, qu’il allait donner.

Il se précipita sur la montre pour s’en emparer, et la prit. Il la regarda une seconde d’un œil ébloui, puis la glissa dans la poche de son paletot.

Jean suivait les mouvements de l’Allemand. Le premier saisissement passé, il put enfin appeler à l’aide, criant au voleur ! et à l’assassin !

Hans Meister regardait sur la route devant lui et derrière, et ne voyant venir personne au secours des jeunes garçons, il ricanait affreusement. Il tenait enfin sa vengeance, et de plus, largement, les moyens de s’en retourner dans son pays.

Il mit un pied sur la poitrine de Jean pour le faire taire.

— Sacrament ! jura-t-il en hésitant encore à le broyer sous son pied. Malheur, s’il dit un mot de plus !

Le pauvre enfant tout pâle, n’avait plus qu’un râle dans le gosier.

L’Allemand, roulant ses yeux louches, semblait réfléchir. À quoi ? sous ses semelles usées, il venait de sentir un portefeuille, et il devinait d’instinct que là, sans doute, se trouvaient les ressources qui permettaient au petit Parisien de s’attacher à lui et de le tourmenter depuis plusieurs semaines. Alors se penchant, il appuya rudement une main sur la bouche de sa victime.

Jean mordit au sang cette main cruelle.

L’Allemand, de plus en plus farouche entr’ouvrit la blouse du jeune garçon, malgré les efforts de Jean pour l’écarter et se défendre ; il se saisit du portefeuille et, se relevant d’un bond, il joua des jambes, et rentra dans le bois, où bientôt il disparut…

— Jean ! soupira une voix mourante.

C’était Barbillon qui revenait à lui.