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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

taine de francs dans son porte-monnaie. Placé dans la poche de son pantalon, cet argent avait échappé à la cupidité de Hans Meister.

Jean fit deux parts égales de cette petite somme ; il en donna une au blessé et déclara qu’il se sentait en état de se remettre en route sur l’heure même. Il avait son idée.

— Tu retournes à Rouen ? lui demanda Barbillon, bouleversé en songeant que la tante Pelloquet mise au courant des événements allait se fâcher sans retour.

— À Rouen, non, dit Jean. J’ai tout juste assez d’argent pour me rendre à Caen chez la baronne du Vergier, sûr d’avance qu’elle viendra à notre secours. Le baron aussi voudra m’aider à faire arrêter Hans Meister avant qu’il ait atteint la frontière : car il est à peu près certain que cet argent qu’il cherchait partout, c’était pour retourner dans son pays. Maintenant, il a plus qu’il ne lui faut en portefeuille — et l’agrément de savoir l’heure, afin de ne pas manquer le train. Affreuse canaille, va !

Jean voulait partir tout de suite.

Du Bec à la plus voisine station du chemin de fer, qui est à Pont-Authou, il y a un trajet de vingt-cinq minutes. Pitoiset insista pour accompagner le petit Parisien. Il avait raison de craindre sur les chemins une nouvelle rencontre de l’Allemand, qui pouvait très bien s’être dirigé, lui aussi, vers la même gare. Jean y consentit ; mais la mère Quévilly, intervenant, fit remarquer que la journée était trop avancée et que, du reste, un repos d’une nuit n’était pas de trop après une telle journée… Jean dut céder.

Le garde champêtre renouvela son offre avec la même insistance pour le lendemain matin, et il fut convenu qu’il viendrait chercher Jean pour l’heure du premier train.

Le lendemain donc, Jean se trouvait prêt à partir dès six heures du matin. Sans attendre la visite du docteur, il alla prendre le train à Pont-Authou et repassa par Brionne, Serquigny et Bernay.

Huit heures et demie sonnaient au moment où le train, après avoir quitté la station de cette dernière ville, s’engageait dans un court tunnel, au sortir duquel Jean aperçut quantité de jolies maisons de campagne. À droite et à gauche de la voie, se présentaient des villages échelonnés comme par ordre d’importance, en commençant par les plus humbles. C’était Caorches, Saint-Martin-du-Tilleul, Plainville, Saint-Victor-de-Chrétienville, Saint-Mards-de-Fresnes, Saint-Germain-la-Campagne. Puis la voie ferrée passa du département de l’Eure dans celui du Calvados, descendant un vallon qui de-