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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Au bout d’une quinzaine, Quentin Werchave voyant Jean de plus en plus sombre et maladif, l’engagea vivement à profiter d’une occasion superbe de se distraire de tous ses ennuis, fondés ou chimériques : il était attendu chez divers parents à l’occasion des « ducasses » : il emmènerait Jean avec lui.

Les ducasses flamandes, identiques aux kermesses belges, sont des réunions populaires dont une franche et extraordinaire gaieté fait tous les frais. On y danse beaucoup, on y boit davantage, on y rit énormément. Ces fêtes durent au moins trois jours, parfois plus d’une semaine. Or, il allait y avoir plusieurs ducasses dans les arrondissements de la Flandre française d’Hazebrouck et de Dunkerque. Quentin choisissait chaque année ce moment de l’automne pour renouveler connaissance avec sa nombreuse parenté des villes et des campagnes. Voilà ce que Jean apprit de lui en l’entendant développer son offre avec une chaleur vraiment amicale. Jean ne demandait pas mieux que de s’étourdir, de s’arracher à lui-même et surtout de laisser les choses suivre leur cours… Il ne résista pas beaucoup :

— Mais la boutique ? la foire ne finissait qu’à la fin de la première semaine d’octobre ?

Quentin avait tout prévu ; il se trouvait en mesure de répondre victorieusement à toutes les objections que Jean pourrait faire. La boutique ? Jean allait écrire à son patron tout de suite, qu’étant souffrant, il avait besoin d’un peu de campagne avant de rentrer à Paris. Cette lettre serait portée par un ami de Quentin qui partait le même jour pour la grande ville ; il exposerait les faits et gagnerait la cause.

— Mais il faudra alors fermer la boutique avant les derniers jours de la foire ? dit encore Jean.

— Pas du tout ! Le petit Stoven viendra la tenir. C’est lui qui s’amusera ! Jean céda, écrivit, fit tout ce que Quentin voulut, et même mit d’avance le jeune Stoven au courant de ce qu’il devait savoir pour le remplacer pendant une dizaine de jours. Le surlendemain la réponse arriva de Paris telle que Jean et Quentin la pouvaient désirer, et quelques heures après les deux jeunes gens étaient sur les voies rapides… Emmeline, les du Vergier, Risler, l’ogresse, bonsoir à tout le monde ! Il n’en pouvait plus !…

Dans le département du Nord où la population est beaucoup plus nombreuse, plus dense, que dans toutes les autres parties de la France, si ce n’est Paris, les villes sont reliées entre elles par des faubourgs industriels, des usines qui s’échelonnent le long des anciennes routes ; mais les chemins de fer, grâce à leurs courbes, ouvrent des perspectives sur les campagnes.