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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

colline qu’ils suivaient à mi-côte, chemin plusieurs fois dérobé par des accidents de terrain, des rochers ou des bouquets d’arbres.

L’enfant regarda fixement —, curieusement.

— Que vois-tu ?

— Je vois des soldats.

— Moutard, moi aussi je vois des soldats !… fit l’ancien zouave un peu désappointé.

— Ils ont un casque sur la tête.

— Ah ! voilà ce que je voulais savoir. Bien, mon fils. Ne bougeons pas et attendons-les. Je veux leur dire bonjour… quand ils seront à bonne portée.

Et il déposa le petit garçon à terre.

— Tu les connais donc, monsieur Bordelais ? demanda Jean se méprenant sur les intentions de son nouvel ami.

— Oui, oui, je les connais assez pour leur dire bonjour… avec mon « flingot ». Fais-toi petit.

La recommandation était superflue, vu l’exiguïté de la taille de l’enfant du forestier. Agissant en conséquence de ses recommandations, l’ancien zouave se mit à genoux derrière de grosses souches d’arbres et, avec précaution, il glissa le canon de son fusil entre deux branches basses constituant une sorte de fourche à deux dents.

Une patrouille de landwehrs avançait à grandes enjambées. Il pouvait y avoir là une quarantaine d’hommes.

— Je comprends, dit l’enfant en battant des mains, nous allons les tuer ; ce sont les Prussiens ; si nous les tuons tous la guerre sera finie, pas vrai ? et maman reviendra de Paris… avec ma sœur, pas vrai ? dis, monsieur Bordelais ?

— Les tuer tous ? Es-tu serin ? Il y en a bien d’autres après ceux-là. Mais essayons toujours. Ne parle plus… Ici, il faut… du… recueille… ment. Pif !

La détonation du fusil de l’ancien zouave se confondit avec cette interjection finale. La fumée roula sur l’enfant, l’enveloppant.

— Ça sent bon la poudre, fit-il.

Bordelais la Rose écarquillant démesurément les yeux, observait l’effet de son projectile.

— Touché ! fit-il. Ils en tiennent !

Il ne se trompait pas. La patrouille s’était arrêtée, et quelques hommes entouraient un blessé, qui alla s’asseoir sur une grosse pierre au bord de la route. Le restant de l’escouade, le nez levé, l’air rogue et menaçant, fouillait