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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

geurs s’assirent au milieu d’eux et prirent un acompte sur le repas du soir.

Quelques-uns de ces ouvriers ne demandaient pas mieux que de causer ; ceux-là pour le plaisir de faire valoir leurs mines, devant des étrangers, de faire briller la Compagnie, un ou deux pour se soulager le cœur.

Dans cette conversation, Jean et ses compagnons apprirent combien d’améliorations successives s’étaient introduites dans l’exploitation des houillères d’Anzin. Chaque détail correspondait à une date dans les annales de la science. Ainsi, la première machine d’épuisement montée sur le continent fut construite à Anzin en 1732 et appliquée aux fosses de Fresnes ; ainsi, la première machine d’extraction connue en France est celle que l’on voit encore à la fosse de Vivier, et qui remonte à 1802 ; pour les eaux comme pour le charbon, on n’avait jusque-là employé que des manèges mus par des chevaux. Pour l’aérage des galeries, on se contentait des courants d’air dus au hasard des fouilles, sans chercher à diriger ces courants d’air, ni à en accroître l’énergie ; encore moins suppléait-on par une ventilation artificielle à un aérage insuffisant. Aussi les accidents se succédaient-ils en jonchant le sol de victimes.

C’était, au dire d’un ouvrier, le feu occasionné par les explosions de la poudre à mine, et les incendies qui prennent quelquefois naissance par la décomposition du menu charbon. Ce feu-là s’alimente et se propage avec une terrifiante intensité. Pour arrêter sa marche, le mineur doit fermer les galeries avec des murs d’argile, travail héroïque à accomplir en face d’un foyer incandescent, portant la température jusqu’à 60 degrés !

C’était l’eau, au dire d’un autre ouvrier, — les inondations souterraines, lorsque des infiltrations accumulées depuis des siècles au fond des mines forment des lacs, des amas que retiennent des « batardeaux, » façonnés en ciment et en argile, ou des « serrements » en bois, qui ne résistent pas toujours à une forte pression ; ou encore une inondation venue du dehors, comme celle qui amena dans le Gard, il y a une douzaine d’années, les eaux de la Cèse débordée dans les houillères de Lalle.

C’étaient encore, selon un mineur d’âge mûr, les éboulis mal combattus par des boisages fragiles ou seulement quelques piliers de charbon réservés pour soutien, et dont l’art des mines n’a eu raison que par de solides remblais.

— C’était surtout le terrible feu grisou ! s’écria un ardent jeune homme à la parole vibrante. Et il expliqua comment un gaz exterminateur, par des éclats projetés dans toutes les directions, répand la mort parmi les mineurs.