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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/44

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

quelques mots entre eux ; après quoi celui qui s’était présenté le premier poursuivit son chemin à travers le bois, s’aidant pour grimper de chaque tronc d’arbre, de chaque branche flexible qui traînait jusque sur le sol.

L’autre soldat saisit rudement le petit Jean par une oreille, en lui criant :

— En route ! Tarteiffle !

Et se laissant dévaler à travers les espaces éclaircis, glissant, roulant sur la neige, il entraîna l’enfant après lui jusqu’au bas de la colline.

— Le voilà, le général, lui dit-il, en poussant le marmot devant l’officier qui commandait la patrouille. — Mon lieutenant, voici déjà quelqu’un, ajouta-t-il en allemand.

L’officier examina l’enfant en fronçant terriblement les sourcils. Il eut un geste de désappointement, et regarda vers le haut de la colline, où le feu des assaillants avait cessé. « M. Bordelais », très satisfait, était en pleine retraite et déjà hors d’atteinte de l’ennemi.

— Est-ce que vous allez me fusiller ? demanda le petit Jean.

— Hein ? fit l’officier.

— Est-ce que vous me fusillerez… comme l’autre jour Bastien, le garçon meunier de chez nous ?

L’officier eut un imperceptible haussement d’épaules et interrogea :

— Avec qui étais-tu là-haut ?

— Avec un ami… que j’ai rencontré, dit l’enfant.

— Il est de ton village ?

— Oh ! que non ! Je l’ai rencontré… par les chemins. C’est un « dur à cuire », il me l’a dit. Il sait chanter.

— C’est un soldat ?

— Je crois bien !

— D’où viens-tu ?

Jean se gratta le derrière de l’oreille, fort perplexe ; il ne voulait pas nommer Vannes, de peur d’être reconduit chez la mère Jacqueline, si on ne le fusillait pas.

— Du village, dit-il enfin.

— Et où allais-tu, quand tu as rencontré ce « dur à cuire » ?

— J’allais… j’allais trouver mon père, pour faire la guerre avec lui.

— Mais où ?

— Je ne sais pas.

Et le petit garçon avait l’air penaud d’un écolier qui n’a pas appris sa leçon.