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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/442

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

oncle et t’éloigner de lui le plus possible. Il ne ferait pas bon de filer ton nœud sous son écoute.

— Mais Cydalise ! puis-je l’abandonner ?

— C’est juste, il ya la demoiselle. Si elle est la moitié de ce que tu dis, espalmée, gréée, sans défaut par bâbord ni tribord… eh bien, il faut aller vendre tes livres d’un autre côté.

Jean baissa la tête, un peu humilié de n’être pas mieux compris et nullement encouragé dans sa folie.

— Tu as faim, peut-être ? lui dit le vieux marin avec une sollicitude toute maternelle et se méprenant sur la cause de son abattement. Attends un moment, mon petit ! le temps de me donner un coup de faubert et nous allons nous affourcher chez la mère Cloquemain pour y manger une morue aux pommes de terre dont tu te lécheras les doigts. Au dessert, je te retiens pour te montrer la ville. Ça me connaît, le pavé de Calais !

Une heure après, le père Vent-Debout et son jeune ami rassasiés, sortaient du cabaret de la mère Cloquemain. Alors le vieux marin entreprit de promener son hôte à travers les curiosités de la ville principale du Calaisis.

Calais, grand port de mer sur la Manche, est aussi une place forte de premier ordre. C’est une ville double : Calais, la ville fortifiée, bâtie sur le bord de la mer, et Saint-Pierre, la ville industrielle, bien plus importante comme population, qui aligne ses rues tirées au cordeau, entre le canal de la Rivière-Neuve et le canal de Saint-Omer. Séparé de la ville forte par les allées d’un parc, Saint-Pierre attend l’achèvement de l’agrandissement de l’étroite enceinte. Les deux communes forment un total de trente mille habitants environ, dont un bon nombre d’Anglais à Saint-Pierre-lès-Calais, où l’industrie du tulle, importée d’Angleterre en 1819, compte encore parmi ceux qui la dirigent des manufacturiers anglais employant des ouvriers de leur pays.

La partie de l’ancien Calais la plus voisine de la mer, est le Courgain, d’où s’échappait Jean, piloté par Vent-Debout. Ce quartier est entre le port d’échouage à l’ouest, la ligne du chemin de fer qui l’enveloppe au sud et à l’est, et les anciennes fortifications.

Vent-Debout conduisit tout d’abord le petit Parisien du côté où de récents travaux ont ouvert un bassin à flot, dont la surface égale celle de la moitié de la ville proprement dite. Une digue, nouvelle aussi, protège des terrains gagnés sur la mer ; un très vaste bassin des chasses, creusé dans les sables de l’est, vient au secours du bassin de même genre régnant au nord de la ville, pour aider à un refoulement continuel des sables hors du chenal. Jean con-