Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/445

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
437
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

En revenant vers la ville, Vent-Debout fit remarquer à Jean, sur le port, près de la Porte de la Mer, un modeste monument élevé en l’honneur des généreux marins Gavet et Mareschal, morts en sauvant des naufragés, en 1791. Jean se découvrit avec respect, et le vieux loup de mer, un peu surpris, n’hésita pas à l’imiter.

Une rue les conduisit à la place d’Armes. Comme ils y arrivaient, Jean vit venir au-devant de lui, l’ayant reconnu déja, un jeune homme fort élégant au visage épanoui, qui lui sauta au cou et le serra dans ses bras.

— Comment c’est vous, Jean !

— C’est vous, Maurice !

Le père Vent-Debout mit le chapeau de toile cirée à la main, et après une présentation du pilote du Richard-Wallace dont Jean ne se tira pas trop mal, le marin déclara qu’il allait acheter du tabac, pas loin, et promit de les retrouver au bout de la place d’armes : c’était pour les laisser libres un moment…

Jean ne paraissait nullement rassuré. La présence de Maurice du Vergier si près de la ville où se trouvait la jeune fille cherchée partout, l’étonnait et l’inquiétait.

— Vous, ici ? finit-il par dire.

— Vous y êtes bien, mon cher Jean ! Mais vous ne serez plus surpris de mon passage à Calais lorsque vous saurez que je me rends en Angleterre.

— En Angleterre ?

Jean respira.

— Oui, à Twickenham, — c’est près de Londres ; — je suis invité au mariage de miss Julia avec sir Henry Esmond, que vous connaissez. Le baronnet m’a écrit une lettre fort aimable, ma foi ! et je ne puis m’empêcher de voir dans tout cela la main de l’adorable miss Kate.

— Toujours fervent ?

— De plus en plus ! C’est un culte, c’est un délire, c’est une folie, c’est… Enfin c’est ainsi ! Et je pars pour Douvres par le bateau de une heure du matin, plus exactement une heure un quart. Je suis arrivé il y a quelques heures et j’aurais pu partir tout de suite ; mais je voulais voir Calais. Je ne pensais pas à vous, naturellement. Maintenant je me félicite d’être passé par ici et non par Dieppe comme j’en avais eu l’intention. La traversée du détroit par Calais est, du reste, la plus belle est la plus courte : une heure et demie. C’est la voie que prennent les grands de ce monde ! Marie Stuart est partie d’ici pour retourner en Écosse après la mort de François II.