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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/448

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

dont la régularité fait penser à un bac de voyageurs mettant en communication les deux rives d’un grand fleuve. Le père Vent-Debout apprit à Jean que c’est entre ces deux points du littoral français et du littoral anglais — Douvres et Calais — qu’eurent lieu, en 1850, les premiers essais de télégraphie sous marine : on ne pensait pas alors, aux câbles transatlantiques, — moins encore aux téléphones.

Le jeune Parisien s’était familiarisé avec les édifices remarquables de Calais : la paroisse de Notre-Dame de Bon-Secours, dont la flèche pyramidale s’aperçoit de loin en mer : une citerne publique adossée au nord de cette église lui donne un faux air de forteresse ; l’hôtel de ville, sur la place d’Armes et son beffroi, dont le carillon est l’un des plus anciens de la Flandre française, et, en arrière de l’hôtel de ville, la vieille tour du guet, massive et carrée, surmontée d’une tourelle également carrée, et qui a servi de phare jusqu’en 1848 ; enfin l’ancien palais du duc de Guise, qui fut d’abord le Pilori ou l’Étape, édifié par Édouard III, où les marchands anglais venaient s’approvisionner de laine. La porte d’entrée de cet édifice est flanquée de deux tourelles octogonales. Henri II fit présent de cette somptueuse demeure au libérateur de Calais, François de Guise ; mais le fils du duc la céda à la ville, et l’ancienne Étape devint l’hôtel du Gouverneur.

Donc, le ballot était arrivé ; un énorme ballot, nous l’avons dit, et qui fit sensation au Courgain.

— Non d’un foc ! s’écria le père Vent-Debout, jamais tu ne pourras porter ça, mon garçon !

— J’en chargerai tout ce que je pourrai sur mon dos, la moitié, le quart, dit Jean sans s’effrayer. Vous me garderez le reste…

— Eh bien ! que fait donc ce paresseux de Barbillon, à Rouen ? Qu’on me larde si ce n’est rien qui vaille ? Si tu te faisais aider par ce moussaillon ? Il te faudrait un âne, vois-tu. Barbillon ce serait pour toi une compagnie… sur les grands chemins ?

— C’est une idée ! Mais qui sait ce qu’il est devenu depuis trois ans ? Et puis, il faut que je tâte du métier avant de me donner le luxe d’un associé. C’est un essai à faire…

Quel déballage ! Des almanachs et des romans, tous les Robinsons possibles, des encyclopédies pour les propriétaires campagnards, des manuels de métiers, des chansons pour les minces bourses, de petits traités pour le peuple, des catéchismes politiques et l’art d’élever des lapins et de s’en faire 3,000 livres de rente…