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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/454

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

au point de jonction du canal d’Aire à la Bassée, non sans jeter un coup d’œil sur le beffroi de cette ville, l’un des plus remarquables du nord de la France, et qui est classé parmi les monuments historiques : c’est une tour carrée du quatorzième siècle, terminée par une galerie crénelée, flanquée de guérites en encorbellement. Lillers en Artois lui offrit le puits artésien de son couvent des Chartreux, le plus ancien que l’on connaisse en France (1126) et, aux environs de cette ville, les mines de houilles de Ferfay et les mines d’Auchy-au-Bois. Aire-sur-la-Lys se montra à lui ceinte de son rempart bastionné et entourée de jardins et de prairies.

Au bout d’une dizaine de jours, Jean avait dû prier le père Vent-Debout de lui expédier le restant de son ballot en deux paquets, l’un à Montreuil-sur-Mer, l’autre à Arras où, selon ses calculs, il devait se trouver vers le 5 février. Son petit commerce marchait bien, malgré la mauvaise saison, car si les routes étaient souvent rendues difficiles par les neiges, d’autre part les veillées d’hiver engageaient à lire, — et l’on achetait des livres.

Jean avait promis au vieux marin de retourner à Calais, et c’est à Calais aussi qu’il avait pris rendez-vous avec Jacob Risler ; mais il sut résister à la tentation d’aller y retrouver la petite danseuse, tentation bien vive parfois, lorsque se trouvant près d’un chemin de fer, il pensait à la facilité avec laquelle la distance qui le séparait d’elle pouvait être franchie.

Désireux de s’éloigner de Calais, il demanda à Paris qu’on lui adressât à Amiens son second ballot de livres et brochures. Et il se rendit dans cette ville, où il arrivait au milieu de février, ayant réalisé en un mois un premier bénéfice de cent quatre-vingts francs, ce qui lui parut superbe. Grâce à cet argent il s’était nourri et logé ; il avait payé ses places en wagon, en voitures de correspondance, acceptant au surplus sans hésitation, l’offre à lui souvent faite de grimper dans une carriole qui suivait le même chemin, — et il lui restait des économies, un petit pécule qu’il comptait bien augmenter par son industrie.

Le voilà donc en pleine Picardie, ancien champ de bataille où nos armées eurent souvent à lutter contre les Flamands, les Bourguignons, les Anglais. C’est une province bien arrosée et bien cultivée, où l’on récolte en abondance le blé, le seigle, l’orge, l’avoine, le lin, le chanvre, la pomme de terre ; où la culture des betteraves est d’une production égale à celle du Nord et du Pas-de-Calais ; les graines à faire de l’huile y viennent bien, les houblonnières y sont d’un bon rapport, et les pommes y donnent un excellent cidre.

Les Picards sont d’une taille avantageuse, francs et loyaux, mais obstinés,