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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Tout en parlant, le musicien avait conduit son jeune ami dans un café faisant face à la gare. Ils s’étaient assis sans que le récit de cette anecdote en fut interrompu.

— C’est un curieux pays que la Picardie, observa Modeste Vidal, heureux du succès obtenu auprès de Jean, qui certainement, à ce moment, ne pensait plus qu’à plaindre Jeanne et à maudire les Anglais. Et quelle industrie ! Amiens, qui au seizième siècle fabriquait des draps d’or et de soie, sert d’entrepôt au travail de presque tout le département, où les filatures, les ateliers pour le tissage des étoffes de laine, de coton, de chanvre, de lin ont pris un développement considérable. On fabrique à Amiens de très beaux velours de coton qui trouvent leur principal débit dans le midi de la France et en Espagne, et des velours d’Utrecht pour meubles. On y fait aussi des tapis de moquette. On apprécie chez nous et à l’étranger les pannes, les peluches, les frises, les satins pour chaussures qui sortent des manufactures de cette ville, — qui a aussi des manufactures de dentelles, des manufactures de produits chimiques, des teintureries, des tanneries, des brasseries, des fabriques d’huile.

» Le peignage et le filage de la laine occupent la plus grande partie de la population, dans les communes rurales des arrondissements d’Amiens et d’Abbeville. Un filage plus grossier s’exécute dans les environs de Péronne et de Montdidier, à Albert, à Villers-Bretonneux pour la fabrication au métier des bas et des autres objets de tricot, qu’on expédie à Paris, ou qu’on rend à a Normandie qui en a fourni la matière première. Rosière est l’un des centres de cette fabrication de la bonneterie dite du Santerre dont les produits atteignent annuellement une valeur de vingt-cinq millons de francs.

» Je ne veux pas oublier, ajouta le musicien, les fameux pâtés de canards d’Amiens, provenant de la chasse aux canards sauvages dans les marais qui avoisinent Péronne. Ces pâtés rivalisent avec les pâtés d’esturgeon d’Abbeville.

» Je viens de nommer Abbeville. Cette ville est assez près de la mer pour que les navires de commerce remontant la Somme, y apportent des bois du Nord, du sel, des ardoises, des vins et viennent y chercher des grains que le département produit avec un excédent considérable sur sa consommation. L’arrondissement de cette ville est renommé pour sa serrurerie dite de Picardie, destinée aux habitations : balustrades de balcons, rampes d’escaliers, espagnolettes de croisées, et surtout serrures et cadenas. Cinq mille ouvriers y sont occupés ; par la division du travail et un outillage très perfectionné, les fabricants sont parvenus à faire de grandes réductions sur les prix de tous