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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

toutes ses forces ; mais rien ne lui donna à espérer qu’il eût été entendu.

C’en était fait du sort de la pauvre Cydalise ! Que de regrets pour Jean à son heure dernière ! Que de remords venaient empoisonner ses derniers moments ! S’il avait obéi à ses bons mouvements ! s’il n’avait pas différé ce que Bordelais la Rose lui commandait de faire ! Une réflexion se plaçait ici : Bordelais la Rose en savait-il assez sur cette jeune fille pour pouvoir la rendre à ses parents ? Hélas ! non… Jacob Risler pouvait seul… mais quoi ? tenter de conclure un marché, — et encore plus tard, quand il ne serait plus temps peut-être, lorsque la baronne serait morte tuée par le chagrin… Quelle chose abominable que ce fût par sa faute, à lui ! Ah ! malheureux qu’il était ! Et il avait voulu faire rendre à son père son honneur dérobé et se réclamer de cet honneur… Il avait renoncé à son nom, honteux de le porter, et il ajoutait encore à la réprobation imméritée de ce nom. Il allait mourir… il serait là… au plus profond de la terre, on ne le verrait plus… et Cydalise croirait avoir été abandonnée par lui ; et il n’emporterait pas même l’estime de Bordelais la Rose, qui ne saurait que penser en n’entendant plus parler de son petit ami Jean.

Le pauvre garçon se mit à fondre en larmes. Mais tout à coup relevant la tête : — Pourquoi Quentin Werchave ne le ferait-il pas chercher ? Quentin était-il encore vivant ? Toutes ces voûtes noires ne s’étaient-elles pas écrasées sur ceux qui s’aventuraient si loin du soleil ?

Mais si Quentin vivait, il ne pourrait pas le laisser mourir ainsi, enterré avant d’être mort ; non, ce n’était pas possible ! Ce n’était pas possible ! Un faible espoir lui revint. Et puis, pourquoi ne travaillerait-il pas lui-même à sa délivrance ? Il essaya : il avait devant lui un enchevêtrement inextricable de troncs d’ormeaux, de planches, de pierres et de blocs de houille ; mais tout cela ne montait pas jusqu’à la voûte basse ; il devait y avoir des vides dans le haut, par où arrivaient jusqu’à lui ces émanations méphitiques qui le fatiguaient, cette chaleur, cet air brûlant qui lui dévorait la poitrine, le bruit des eaux échappées de leurs digues. Il essaya de tenter l’escalade. La cheville du pied droit était gonflée comme par une entorse. Un danger inaperçu lui fut alors révélé : le sol glissant et fortement incliné, aboutissait, sur sa gauche, à ce ténébreux récipient d’eaux pluviales amassées là, goutte à goutte pendant des années, vaguement entrevu l’instant d’auparavant, et dans lequel un faux mouvement pouvait le précipiter.

Il s’assit, épuisé dès ses premières tentatives, tant son angoisse était grande. Il s’efforça néanmoins de réunir froidement toute sa résolution pour faire face à la situation. Ce qui l’empêchait de trouver des forces… il le sen-