Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/551

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
543
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

palefrenier coupable d’avoir dérobé des papiers chez Reculot, — et de bien d’autres méfaits encore.

Le difficile était de trouver à qui parler ; mais à peine hors des écuries, il entendit une rumeur grandissante et se dirigea du côté où elle venait. C’étaient les mineurs qui travaillaient au sauvetage de leurs compagnons. Sur ce point, la température semblait surchauffée, l’asphyxie était contenue dans chaque bouffée d’air vicié…

En vrai enfant de Paris, Jean fit des prodiges, louvoyant avec assez d’habileté pour rencontrer par ci par là un peu d’air à respirer. C’est ainsi qu’il parvint jusqu’au lieu principal de la catastrophe.

Quentin Werchave et le commis aux écritures se trouvaient là, très occupés à dégager les victimes du feu grisou. Jean remit la valise de l’Allemand à l’ami de Quentin, en lui recommandant de ne point s’en dessaisir.

Les porions donnaient des ordres pour le transport de deux blessés, méconnaissables sous leurs brûlures et les atteintes des blocs de houille projetés par l’explosion.

C’était un spectacle affreux.

Le sauvetage avait été organisé à la hâte et non sans peine, les parois de la fosse no 1 étant en partie écroulées.

En approchant du lieu du sinistre, les lampes s’éteignaient : mauvais signe. La ventilation devenait impuissante ; les sauveteurs n’hésitaient pas cependant, ne reculaient pas ; mais ils sentaient l’asphyxie les envahir, et ils détournaient la tête pour reprendre haleine et s’élancer de nouveau. Ils avançaient, interrogeant les murs noirs, sondant le sol d’un regard terrifié, appelant, s’attendant à chaque pas à se heurter contre un cadavre. Les boîtes de secours les suivaient de près.

Jean ne put apprécier le temps que dura cette recherche. Lorsqu’il fut lui-même hissé hors de la fosse, ainsi que son ami Quentin, il vit qu’une ambulance avait été établie à l’entrée du puits.

Le premier moment de stupeur passé, le personnel du charbonnage s’était empressé, secondé par les habitants accourus de tous côtés. Quelques porions descendus dans la fosse par le puits aux échelles, remontèrent peu après avec les premiers blessés. Mais il fallut de nombreuses heures pour amener à la surface du jour les malheureuses victimes de la catastrophe. Le grisou avait éclaté à dix heures du matin, à six heures du soir on remontait les derniers mineurs atteints par le gaz enflammé ou par des éclats.

Tout autour des bâtiments du puits se pressait une foule de femmes, d’en-