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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

l’estime des honnêtes gens, et par-dessus tout l’estime de Bordelais la Rose.

Huit jours après la catastrophe, Jean se sépara à Lille de son ami Werchave qu’il remercia du plus profond de son cœur. Il avait hâte de mettre Bordelais la Rose au courant des événements et de sa conduite. Il prit le chemin de fer de Lille à Paris et de Paris à Bordeaux. Mais il était dit que ce programme recevrait une importante modification.

Comme Jean passait par Tours vers sept heures et demie du soir, il descendit au buffet de la gare, et là, il fit la rencontre d’un de ses compagnons de la loge Risler : ce gars breton à qui le baron du Vergier s’était adressé à l’hôtellerie de Saintes.

Ce garçon lui apprit comment un beau monsieur et sa femme étaient venus s’emparer de mademoiselle Cydalise, à la barbe du patron et de la patronne.

— Et puis ? demanda Jean avide de tout savoir.

M. Jacob et sa femme… Ah dame ! ah dame !… rien qu’en voyant père et mère ils avaient dévalé sans dire bonsoir ; on ne les a plus vus, saperjeu !

— Et puis après ?

— Et que nous sommes restés avec pas gros d’argent que nous venions de recevoir, mais sans notre butin, qui marchait sur Rochefort, n’ayant plus quant à moi que le pouillement que je porte…, et même qu’il nous a fallu payer le dernier souper… et l’écot de ce gros essoufflé-là et de sa femme… qui vaudrait cher au prix où était le lard à la foire passée.

— Et puis après ? après ?

— Et puis après, comme un chacun ne connaissait que sa route, conséquemment on s’est égaillés un peu partout. Moi, me v’là frais comme la rose et je vas à Paris.

— À Paris ? Et pour faire quoi ?

— Je n’en sais rien en tout.

— Pourquoi ne retournes-tu pas à Landerneau ?

— Parce que le vieux m’arrocherait.

— Il ne faut pas aller à Paris, Méloir, il faut retourner dans ton pays ; ton affaire est oubliée ; ton beau-père ne te dira rien.

— Rien ! Faudrait alors une gent de Paris comme vous, un avocat renaré pour retirer mon épille du jeu, et faire entendre à Vivette pourquoi que j’ai été obligé de flauper ligérament sur son autre amoureux, vu que c’est assez d’un promis, qui est moi.

Pour l’intelligence de ce dialogue, il faut savoir que Méloir s’était battu