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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/587

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

serviront à l’accroissement du bien-être de toute une région restée trop en dehors du mouvement industriel et commercial de la France.

À dix heures et demie du matin, par une magnifique journée, on eût pu voir sortant de la gare, située sur la rive gauche de la Vilaine, un jeune garçon à l’air éveillé ayant quelque peine à suivre un paysan maigre et noir comme un loup qui portait la totalité des communs bagages — peu de chose. C’étaient Jean et Méloir ; ce dernier dans un de ses accès de mauvaise humeur.

— Voyez-vous, disait-il, en tricotant un petit du jarret, on serait allé à un bon endroit que je saisi, oùs qu’on y cuit des tripes jusque pour Vitré, et le cidre y est cœuru ; c’est pas loin de la gare — et dans une demi-heure ou tout au moins une petite heure nous reprenions le chemin de fer pour arriver avant la nuit à Landerneau…

— Avant la nuit ! répliquait Jean, chaque fois que Méloir recommençait ses doléances ; je ne tiens pas à arriver à la nuit dans un endroit où je ne connais personne. Ce n’est pas ton beau-père qui nous hébergerait ?

— Pour quant à ça, non ! Ça pourrait venir, mais pas tout d’un coup. Faut pas mentir, c’est un méchant loup, le tailleur.

— Pour te faire rentrer en grâce auprès de lui, il faut que je lui fasse une première visite… sans toi, afin de plaider ta cause, d’annoncer ton retour si je réussis. Est-ce grand Landerneau ?

— Oh ! que oui bien que je le voudrais ! V’la qu’est mignon, et c’est de la bonté de la part de vous ! Et pour ce qui est de Landerneau, fit Méloir en se rengorgeant, il y a plus de huit mille bons chrétiens, sans compter les païens dans le nombre, — avec deux belles églises, Saint-Houardon et Saint-Thomas, dont vous avez sûr et certain entendu parler à Paris, et puis un ancien pont tout bâti de maisons, avec le moulin des Rohan dessus, sans parler de la forêt, où c’est que le chemin de fer traverse à l’autre bout de la ville. Je n’ai point jamais vu de pays où l’herbe soit si verte, ni des landes si fleuries. Et des clochers donc ! il n’y en a nulle part de si hauts.

— La gare est-elle dans la ville ?

— Non, mais si c’est que vous voudrez, nous prendrons l’omnibus, et la maison d’Yvon Troadec, — la gale ! — qui est mon beau-père pour mon malheur, puisqu’ils se sont entremariés avec ma mère qu’était veuvière de défunt mon père Pierre Guirec de son nom nommé — sa maison est sur une petite place au tournant d’une ruelle, cinq minutes en avant de la ville. Les père et mère de ma promise sont établis en face du communal oùs que Vivette jouait