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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

coup ; l’orage grondait et on menaçait de faire un mauvais parti à Méloir, mais à ce moment Vivette se montra sur le seuil de la maison, interdite et troublée. Les beaux habits de la mariée imposaient à cette foule. Sa présence produisit un apaisement subit. Seul Méloir sentit bouillonner en lui de nouveaux ferments de colère.

— La voilà la rousseaude, s’écria-t-il hors de lui. Venez, venez vous montrer, vous qu’êtes une deffrontée !

Devant cette insulte faite à sa femme, Flohic, perdant toute patience, s’avança vers Méloir et lui donna une poussée, tandis qu’il levait sur lui un bâton dont un gars avait armé sa main.

Les deux jeunes gens se défièrent du regard, et Méloir leva aussi son bâton. Ces deux bâtons, devenus des armes redoutables, s’abattirent derechef. Méloir para un furieux coup asséné sur sa tête ; mais le choc rompit son bâton. Alors crachant dans ses mains, qu’il frotta vivement ensemble, furieux, sauvage, désespéré, il prit de l’élan et se courba pour se précipiter la tête en avant contre son ennemi.

Soudain Jean, qui avait été distancé par l’agile Méloir sur la route, arriva et saisit son rude compagnon par les épaules. Jean avait vu de loin la bataille s’engager et il accourait en toute hâte…

Méloir accueillit son intervention avec douceur, presque avec humilité. Le pauvre garçon paraissait tout honteux devant son jeune protecteur de l’avoir fait venir inutilement de si loin et de lui donner ce triste spectacle. Il s’en excusa dans son naïf langage, assurant son ami le petit monsieur de Paris qu’il lui serait impossible désormais de vivre à Landerneau.

— Il faudra donc que je m’en aille, poursuivit-il ; ça me sera deuil de ne plus la voir, la méchante bête rousse ! Faudra que je tâche à marcher sus l’obli…[1].

Et il essuya une larme, — la première que faisait couler Vivette à son fidèle adorateur, la dernière peut-être.

Jean entreprit de le consoler, tandis que Vivette et Flohic disparaissaient, et que quelques amis de Méloir venaient serrer la main ou même embrasser le gars malheureux sur le chapitre du mariage.

Yvon Troadec, le tailleur, un peu embarrassé, se montra dans les groupes ; Méloir l’aperçut et lui tourna le dos.

— De sûr et certain je dirai bonjour à ma mère avant de nous mettre en

  1. Plante mystérieuse qui fait oublier.