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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/647

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

scène, séparés par un véritable gouffre de l’endroit où Méloir suait sang et eau pour accomplir son propre sauvetage. Enfin les acclamations des rabatteurs, les battements de main de Jean et de Maurice annoncèrent aux chasseurs de chamois qui étaient descendus vers le pâturage où gisait le faon tué, que tout s’arrangeait.

Bientôt après celui des trois qui exerçait son autorité sur les deux autres apparut, rapportant sur ses épaules et retenu à son front par les quatre pieds liés, la victime de la journée. L’isard avait la tête pendante, le ventre ouvert et vidé de ses entrailles, sauf le foie…

C’était une belle pièce, et les montagnards stimulés par leur passion pour la chasse, très heureux de ne pas revenir bredouilles — affaire d’amour-propre plus que d’intérêt — ne prêtaient que peu d’attention aux lamentations du Breton qui prodiguait au bouc malencontreux toutes les apostrophes de son répertoire.

En somme, belle chasse et bonne journée pour tous, — car le guide, les chasseurs de profession et les rabatteurs furent largement gratifiés par le baronnet, qui réalisait son désir de dépenser beaucoup.

— Au train dont il y va, ne put s’empêcher de remarquer Maurice, la dot de miss Kate risque d’être fortement entamée.

La journée du lendemain, consacrée à un repos bien gagné, fut employée en partie par les jeunes gens à écrire : Maurice apprit à miss Kate le résultat heureux de son voyage, brièvement télégraphié l’avant-veille ; il raconta à sa mère, à sa sœur, à la jeune Anglaise la chasse à l’isard. Jean écrivit à Bordelais la Rose, privé de ses nouvelles depuis bien des jours. Il lui dit la catastrophe de Lourches, la prise de possession de ces pièces qui ne laissaient plus planer aucun soupçon sur le caractère honnête de son père ; la rentrée de Cydalise dans sa famille ; il lui parla de ses projets d’avenir, de son intention d’aller au Niderhoff pour mettre à néant les calomnieuses inventions de Jacob Risler ; enfin, après lui avoir expliqué le motif de sa présence à Luchon, il s’excusa de ne s’être pas arrêté à Mérignac en passant par Bordeaux : il croyait si fermement pouvoir revenir le lendemain sauter au cou à son vieil et excellent ami !

Le baronnet vit avec plaisir toute cette correspondance — surtout celle de Maurice : milady allait avoir des nouvelles et en apprendre de belles !

La fantaisie de la chasse à l’isard passée, il semblait que sir William n’eût qu’à se laisser ramener loin des Pyrénées : pas du tout ! Le baronnet ne vou-