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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/656

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

« Il y a une espèce de honte d’être heureux à la vue de certaines misères (La Bruyère). »

« La science du gouvernement se propose ou doit se proposer le bonheur des hommes réunis en sociétés (de Sismondi). »

« Les seules conquêtes utiles, celles qui ne laissent aucun regret, sont celles qu’on fait sur l’ignorance (Napoléon). »

« Il faut chercher la vérité avec un cœur simple (Bernardin de Saint-Pierre). »

« Toutes les sciences sont encore dans l’enfance, et celle de rendre les hommes heureux n’est pas encore au jour (le même). »

Il y en avait comme cela une cinquantaine de pages.

— C’est vous qui avez glané toutes ces vérités utiles ? s’écria Maurice. Mais vous allez devenir un philosophe, un savant…

— Je ne vise pas aussi haut, répondit Jean ; j’ai pourtant mon ambition…

— Votre ambition me plaît en ce qu’elle n’a rien de trop personnel. Vous pensez un peu à votre prochain, à la société, à l’humanité.

— C’est ma seule excuse, dit Jean avec gravité. Sans cela je rougirais de vouloir sortir d’une condition bien humble, mais qui a été celle de mon père, et du père de mon père. Savez-vous ce qui me pèse, en ce moment ? C’est ma balle absente. Je n’aurais pas cru qu’un tel poids de moins puisse tant vous alourdir. Voyez-vous j’ai hâte de me remettre à mon petit commerce, car tout doit sortir de là !

— Vous valez mieux que moi, Jean, lui dit Maurice.

Cette conversation avait lieu devant le fameux hôtel « confortable » du village de Gavarnie. Tout à coup les deux jeunes gens virent déboucher de l’hôtel, sir William qui venait de régler sa note au bureau et qui s’en allait droit et raide — suivi de Méloir, chargé des bagages de tous. Décidément on partait !

— Je parté ; et vô ? fit l’insulaire flegmatique et résolu.

Et il s’achemina d’instinct du côté où se trouve la voiture qui relie Gavarnie à Luz. Ces Anglais ont pour ces sortes de choses un flair exquis… Maurice et Jean n’eurent que la ressource de grimper à leurs chambres pour s’assurer que rien n’avait été oublié, et de courir après sir William, qui prenant au mot le jeune du Vergier, agissait à l’égard de Méloir comme s’il lui eût appartenu.

À Luz, la diligence conduisit sir William « et sa suite » à Pierrefitte. Ils longèrent un magnifique défilé de huit kilomètres et franchirent le pont de