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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Maurice ne se trompait pas. Le baronnet apparut et déclara qu’il en avait assez de Limoges, et qu’il voulait sur l’heure « pâtir. »

— Nous sommes à vos ordres, répondirent Maurice et Jean.

Sir William s’attendait comme toujours à de la résistance : il ignorait le télégramme annonçant la maladie de son gendre. Il provoqua de l’opposition — pour tâter le terrain ; assura qu’il s’éloignait à regret, que son Guide affirmait que le Limousin ressemble à l’Écosse dont il a les montagnes nues, les mornes landes, les forêts, les rivières ombreuses, les belles prairies, les ravins déserts ; mais avec beaucoup trop de soleil en plus et les lacs en moins, et surtout sans les rivages de la mer que rien ne remplace.

— Vous voulé peut-être voirle pays ? dit le baronnet en achevant.

— Non pas, nous sommes aussi pressés que vous… d’aller ailleurs, repartit Maurice.

Jean se fut laissé plus aisément que son ami prendre à l’amorce : il devinait de ravissants paysages le long des rives de cette Vienne qui passait au pied de Limoges et qui, torrent étroit prenant sa source dans le département limitrophe de la Corrèze, vient couler paisiblement dans de riantes prairies, au fond d’une vallée dominée par les croupes de montagnes qui sont de puissantes ramifications des monts du Limousin ; ces montagnes, couvertes de forêts ou dénudées, penchent leurs versants ravinés au-dessus des gorges étroites qui donnent parfois à la région un aspect sauvage, sans rien lui retirer de la variété et de la fraîcheur des perspectives.

De ces parties arides du Limousin qu’on entrevoyait s’échappent ces nuées d’ouvriers en bâtiment qui se répandent un peu partout, principalement à Paris : plus favorisés, les paysans attachés au sol, font de la petite culture, exploitent les parcelles appelées « domaines » et « borderies. » Jean eût voulu examiner de près ces chevaux limousins qui constituent la richesse du pays ; il eût voulu visiter les dépôts de kaolin de Saint-Yrieix qui alimentent la fabrication de la porcelaine de Limoges. Mais il comprit malgré la feinte bonne volonté de sir William qu’il fallait en faire son deuil, — ainsi que les principales villes du département : Bellac, Rochechouart, le Dorat, Magnac-Laval, Saint-Junien…

Et si l’Anglais se détournait de Paris et s’en allait du côté de la Bourgogne, il s’efforcerait de l’entraîner dans les Vosges, ne fût-ce qu’en lui vantant les merveilles lacustres de Gérardmer ; et alors, sans se détourner beaucoup, il pousserait jusqu’au Niderhoff ; — mais comment Hans Meister avait-il pu rejoindre Jacob Risler ? Énigme dont Jean cherchait en vain le mot.