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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

entrecoupée de montagnes, de collines, de vallées et de plaines ; la partie centrale, traversée du nord au sud par la Côte-d’Or étant surtout montueuse et boisée.

Il était réservé à notre ami Jean une surprise du genre de celle qu’il avait eue à Limoges. En se promenant sur les boulevards plantés d’arbres, établis sur l’emplacement des remparts d’autrefois, il fut amené, ainsi que Maurice qui l’accompagnait, devant la loge d’une ménagerie hurlante et beuglante. Un grand gaillard, — plus que grand — faisait le boniment. Il récapitulait les merveilles exhibées pour la somme de vingt centimes — dix centimes pour les militaires non gradés : Deux tigres du Bengale, l’un des célèbres ours de Berne, un boa constrictor capable d’avaler son homme en quinze minutes, trois lions d’Afrique nés sous les drapeaux français…

— Eh ! mon Dieu ! s’écria Jean ; c’est mon géant tyrolien !

C’est lui, en effet. Il reconnut Jean, pendant que le Parisien expliquait à Maurice la cause de sa surprise, et lui parlait du bon géant comme d’un protecteur que sa sœur avait rencontré chez les Risler. Au cours de ce récit, quelques mots du boniment arrivaient à l’oreille de Jean. Il était question d’un gorille empaillé, d’autruches vivantes, de singes et ouistitis, d’un nègre anthropophage, et même de « six puces faisant mouvoir une machine à vapeur. »

Lorsqu’il eut débité sa prose alléchante et fallacieuse, le géant vint serrer la main à Jean, saluer Maurice, en qui il devina le frère de Cydalise. Jean le mit à son aise vis-à-vis de son ami, et lui apprit la fin tragique de madame Risler.

— Nous finissons tous comme ça, observa philosophiquement l’homme énorme, sans s’émouvoir davantage ; aussi je suis bien heureux que le petit roitelet ait retrouvé son nid, ajouta-t-il avec un bon sourire et en faisant allusion à la petite danseuse.

Maurice lui donna une chaude poignée de main.

Ce jour-là en rentrant à l’hôtel, les deux jeunes gens trouvèrent le baronnet si réveillé qu’il voulait partir tout de suite. Maurice pâlit et dit à Jean :

— Voilà le moment décisif ! Va-t-il enfin nous conduire à Paris ?

— Nous allons à Paris, pas vrai, sir ? dit Jean au baronnet en prenant un air dégagé.

— Pho ! fit l’Anglais en soufflant avec force. Paris après ; Besançon d’abord. Je voulé dépenser bôcoup. Mon petit ami Jean, envoyez à moi Démêloir.