Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/768

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
760
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

perron de quinze marches. La tour Magne, située sur la plus haute des sept collines de Nîmes, se compose de trois étages superposés et en retrait les uns sur les autres.

Ce n’est pas anticiper que de dire que, pendant les treize ou quatorze mois que Jean passa dans le Languedoc, le comtat Venaissin et la Provence, sa connaissance de notre histoire se trouva fortifiée par l’aspect imposant de tous ces débris d’une civilisation disparue. Sur le ciel bleu du Midi se détachent les lignes pures et hardies de l’architecture gréco-romaine, et cette partie de la France n’a presque rien à envier à l’Italie et à la Grèce, dont elle possède aussi le climat.

Au nord de Nîmes, le Gard, formé par la réunion du Gardon d’Anduze, du Gardon de Mialet et du Gardon d’Alais, traverse des gorges sauvages. Parfois, ses eaux s’échappent à travers les fissures des rochers. Elles reparaissent plus bas, dispersées, il est vrai, les unes surgissant au milieu des sables, les autres s’écoulant paisiblement en minces filets de roche en roche ou s’épanchant avec force en gros bouillons.

À l’endroit où la rivière a enfin recueilli toutes ses eaux, s’élève — à quarante-neuf mètres de hauteur — le magnifique aqueduc romain, appelé Pont du Gard, qui domine de ses arches aériennes toute la vallée sévère qu’il traverse. Jean et son oncle longeaient la base d’un coteau, lorsqu’ils virent surgir tout à coup au-dessus du feuillage sombre des chênes et des oliviers, et se détachant sur un ciel d’un azur intense, les trois rangs d’arches superposées que dix-huit siècles ont dorées des feux de leurs soleils, et qui apparaissent comme un arc-en-ciel de pierre remplissant tout l’horizon.

L’effet produit par cette chaîne granitique jetée en travers d’une gorge où la roche se montre à nu, fut saisissant pour eux, comme il l’est pour tous les touristes. La beauté, la puissance et la hardiesse de cette conception gigantesque, indestructible et bâtie comme pour l’éternité, n’ont d’égales que certaines œuvres d’art modernes de nos ingénieurs, — par exemple, dans la même région, les ponts et les viaducs construits pour l’exécution du chemin de fer qui surmonte les Cévennes, et, en Provence, l’audacieux aqueduc de Roquefavour, qui depuis 1846, charrie à quatre-vingt-deux mètres au-dessus de la rivière d’Arc, les eaux enlevées à la Durance pour l’approvisionnement de Marseille.

Les arcades inférieures du Pont du Gard sont au nombre de six, les arcades intermédiaires au nombre de onze, et les arcades supérieures au nombre de trente-cinq ; la masse entière a plus de deux cents mètres d’étendue. La cou-