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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Pendant que Jean vidait l’écuelle, le buronnier coupait un morceau de pain bis.

Jean le reçut avec un sourire de remerciement et pouvant enfin parler, il dit à l’Auvergnat : — Je viens de Salers… je me suis perdu dans la forêt du Falgoux.

— Ce n’est pas étonnant ! fit le buronnier. Mais Salers c’est loin du faubourg Saint-Antoine ?… c’est loin de Paris ?…

— C’est une longue histoire… une vilaine histoire ; je vous la raconterai, Pierre… Mais je suis exténué.

— Nous avons le temps, pardi !

— Oui ; cependant je suis pressé de retourner à Salers.

— Mais puisque tu en viens, malheureux ! et que tu es à peine assis ?… Est-ce que tu veux suivre la même route ?

— J’en préférerais une autre, dit Jean en souriant.

— Je m’en doute bien ! Je vois que tu es venu à contre-cœur me rendre visite.

— Pour ça, oui ; mais je ne suis pas fâché de la rencontre, mon excellent Pierre.

— Et moi donc ! dit le buronnier. Mais je suis intrigué… Si je te donnais une seconde écuelle de lait et une nouvelle tranche de pain… histoire de t’ouvrir la bouche ?

— De me la fermer plutôt… en la remplissant, observa Jean dont la bonne humeur revenait.

Voyant la curiosité de son ami Pierre si vivement excitée, Jean lui raconta enfin comment il se trouvait dans la haute Auvergne et ce qu’il était venu y faire.

L’Auvergnat n’interrompait le jeune garçon que pour répéter de temps en temps : « Le coquin ! » Lorsque Jean dit au buronnier comment il avait été enlevé de Salers et entraîné à la nuit dans la forêt, le brave homme manifesta son indignation en donnant un grand coup de poing, sur la « gerle », grand vase de sapin où caillait le lait.

— Veux-tu te cacher ici de ces méchants hommes ? dit-il à Jean. Qu’ils y viennent te chercher ! Vois-tu, mon enfant, il ne faut pas te remettre en chemin tout seul. Et moi je ne peux pas quitter mes vaches. Il faut attendre une occasion…

— Si seulement je connaissais la route ! exclama Jean.