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ORIGINES DU ZOROASTRISME. —II. FORMATION DE LA COLLECTION AVESTÉENNE


vengeance du meurtre de Dàrà sur les compatriotes d’Alexandre ({{persan}}) et de les soumettre de nouveau au tribut qu’ils payaient aux anciens rois de Perse pour l’Égypte et la Syrie 1.

Mais l’ordre politique n’est qu’une partie de l’ordre moral : le Shâhinshâh aspire à rétablir l’ordre qui existait du temps des anciens ({{parsi}}) ; car l’ordre actuel, quoique conforme à l’état présent du monde, n’est pas conforme aux principes de la religion. Il va, en effet, deux sortes d’ordres, l’ordre ancien et l’ordre nouveau, le premier fondé sur la justice, le second sur la violence. Mais le peuple est à présent tellement habitué à la violence qu’il a perdu toute notion de la justice et de ses bienfaits. Aussi quand quelqu’un parmi les modernes veut rétablir la justice, on lui crie que le temps est trop mauvais ; et quand le Shâhinshâh veut restreindre les injustices du temps ancien, on lui dit : N’y touche pas, ce sont les lois et les coutumes qui viennent des anciens.

Celte distinction de l’ordre ancien et de l’ordre nouveau, de Xamalin et de Yâkhirin, nous la connaissons par l’Avesta ; c’est celle du Paoiryô tkaêshô 2 et de l’aparô tkaêshô 2, la loi des premiers fidèles et celle du présent. Les avvalinân de Tansar sont les Pêshinîkdn, les Pôiryôthêshdn de la haute littérature pehlvie, ceux qui suivent et veulent remettre en honneur la bonne loi d’autrefois 3. On voit, par les aveux mêmes de Tansar, qu’Ardashîr ne prétendait pas rétablir telle quelle « la loi d’autrefois » ou ce que l’on considérait comme étant cette loi ; qu’il s’arrogeait le droit de prendre des libertés avec elle, et que s’il prétendait corriger le fait présent au nom de l’idéal passé, il ne prenait de cet idéal que ce qui convenait à ses vues propres. Or cet idéal passé, où était-il fixé et comment Ardashîr le mit-il en lumière ? Sur quelle autorité se fit sa restauration religieuse et sociale ? Sur ce point Tansar ne s’explique pas clairement, et peut-être aurait-il été embarrassé de le faire : car on voit par ses paroles mêmes que son correspondant contestait la légitimité de l’œuvre religieuse

1. Les historiens (l’Occident sont d’accord avec Tansar : c’est comme héritier de Darius et de Cyrus qu’Artaxerxès (Ardashîr) réclame à Alexandre Sévère toutes les provinces au delà de l’Euphrate jusqu’à la Méditerranée (Hérodien).

2. Gâh III, 7 : cf. la note correspondant aux Corrections et Additions.

3. Le Dînkart donne à Tansar même le titre de Pôryôtkêsh : voir p. XXXI.