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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

haut de la passe que nous perçûmes l’effet le plus saisissant : en un clin d’œil, l’horizon élargi s’était plus que doublé en l’arc de nous, et nous apercevions dans la vallée le cours supérieur du torrent dans la direction du célèbre asile bouddhique, but de notre voyage. Jamais, je crois, nous n’avions vu pareille profusion de fleurs poussant en toute libelle de chaque côté de notre sentier. Cette passe est celle de Chaou-yang-lin. Après l’avoir quittée nous avançâmes encore tout un jour, et ayant couché dans une auberge sur notre route, nous atteignîmes, dans la soirée, le monastère, de Tsing-leang-szé dans le district deTeen-tae. Le supérieur des moines était fort poli ; il nous reçut bien et passa longtemps à discuter avec nous des principes du bouddhisme. Plus loin, en continuant notre route, nous trouvâmes de grands monastères situés à environ cinq milles les uns des autres au milieu de ce pays montagneux, qui autrement n’est habité que par quelques paysans. Dans ces établissements, on voit le monachisme entouré de toutes les séductions de la mise en scène naturelle, et dans les temples on peut étudier les modes de célébration du culte dans leur forme la plus complète et la plus parfaite. Près d’un de ces monastères, se trouve une magnifique chute d’eau de soixante pieds de hauteur que surplombe un pont naturel de rochers. Il a quatorze pieds de long et huit pouces de large. Les pas de ceux qui le traversent pour aller adorer la châsse à l’autre bout de ce pont l’ont considérablement usé. Il se trouve au milieu d’une vallée richement boisée où s’élèvent plusieurs temples. Les prêtres qui les habitent racontent qu’au lever du jour ils entendent dans les bois environnants les êtres qu’ils appellent des Lohans chanter les prières bouddhiques ; mais ils n’ont jamais pu les voir. Dans la châsse au bout du pont sont cinq cents petites figures sculptées dans la pierre, qui représentent les Lohans, ou, selon leur nom sanscrit, les Arhans^^1. Ces figures très petites ne paraissent pas avoir plus d’un demi-pouce d’épaisseur. Nous passâmes la nuit à Hwa ting-szé, monastère élevé à trois mille pieds au-dessus du niveau de la mer ; il se compose d’une longue rangée de bâtiments couverts en paille, ce qui est rare en Chine. La salle principale contient à peu près les mêmes images que celle de tous les monastères ; Bouddha est au centre, idole d’argile dorée sur toute sa surface et

1 On les appelle aussi Rakans ; ce sont les cinq cents premiers disciples du Bouddha.