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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

La Chine présente un champ favorable pour observer les influences réfléchies et les conflits des idées qui constituent pour la plus grande partie le caractère d’un peuple — les idées religieuses et morales. Ici trois grands systèmes nationaux vivent en harmonie ; les trois méthodes de culte et les trois philosophies qui forment leur base agissent mutuellement l’une sur l’autre depuis des siècles. Quelquefois ils se sont trouvés en lutte, mais habituellement ils ont préféré vivre en paix. Le Chinois est plus porté à la tolérance qu’à la persécution. Il n’a pas repoussé l’intrusion de la religion venant de l’Inde, comme l’a fait le Japonais pour le christianisme sous sa forme catholique romaine. Le confucianisme n’a pas cherché à expulser le taouisme de son pays natal, comme le firent les Brahmanes pour le bouddhisme. Les Chinois ont adopté toutes ces religions après une courte période de persécution, et maintenant elles vivent côte à côte, non seulement dans les mêmes lieux, mais, ce qui est plus extraordinaire, dans les croyances d’un même individu. C’est chose commune en Chine de voir la même personne se conformer aux trois religions. Cette malléabilité est très avantageuse pour le gouvernement. Toutes les divinités qu’il désire faire adorer au peuple sont admises sans difficulté dans son panthéon par complaisance pour la volonté des gouvernants et par respect superstitieux pour les nouveaux dieux. Le peuple croit que l’Empereur a le pouvoir de donner à l’âme d’un mort un poste et des fonctions dans le monde invisible, comme il le fait dans le monde visible ; aussi, quand il voit cette image dans un temple nouveau, revêtue d’un costume approprié, assise dans sa niche comme tous les autres dieux, il apprend bien vite à l’adorer aussi volontiers que n’importe quelles autres vieilles divinités avec les noms desquelles il est depuis longtemps familiarisé.

Il y a, dans un coin de la ville de Shanghaï, un temple élevé à la mémoire d’un héros chinois mort en combattant dans la première guerre contre les Anglais ; il a été tué à la prise de Woosung par l’armée anglaise. Il avait le grade le plus élevé auquel un Chinois puisse prétendre, celui de Té-taë, ; le rang de Tséang-kéun est réservé aux seuls Mandchous. Dans le temple, se voit la statue de ce héros, Chin-te-tae, de grandeur naturelle et d’une ressemblance parfaite, à ce que l’on dit. On lui rend les honneurs divins, et si le temple a peu de visiteurs pour le moment, la foi superstitieuse des