Aller au contenu

Page:Annales du Musée Guimet, tome 4.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dilettantisme littéraire et de la science en traitant cette année du Pantcha-tantra dans ses rapports avec les mœurs de l’Inde et la littérature de l’apologue et du conte en Orient et en Occident.

Le conte sous ses formes diverses, fables, légendes, paraboles, etc., paraît avoir eu dans l’Inde une origine qui remonte à l’éveil même de la conscience intellectuelle des Aryas[1]. Le Rig-veda, ce précieux et vénérable témoin de leurs conceptions religieuses naissantes, en contient un certain nombre, au moins à l’état d’ébauche. Les spéculations liturgiques et philosophiques d’une époque postérieure, mais fort ancienne encore et précédant vraisemblablement celle de l’expédition d’Alexandre, renferment également soit des récits mythiques côtoyant la liturgie et répétés souvent, ce semble, simplement ad narrandum, soit des légendes théosophiques destinées à justifier telle ou telle cérémonie, ou des apologues d’un caractère démonstratif avec moralité à l’appui et conçus de toutes pièces ad probandum.

Un des plus curieux de ceux-ci est le récit, sous forme de parabole, du défi de l’àme et des sens. Il s’agit de prouver que ces derniers ne sont rien sans le souffle vital ou l’âme individuelle (anima, animus, πνεῦμα), parcelle empruntée au grand tout ou à l’âme universelle. Comme cette idée était le fondement de la philosophie des Hindous, la leçon, le μῦθος qui s’y applique, se retrouve avec de légères variantes dans plusieurs ouvrages appartenant à cette période initiale du mouvement spéculatif des esprits dans l’Inde ancienne. Le texte qu’en présente l’un des plus importants de ces ouvrages, la Chândogya-upanishad, est ainsi conçu :

« Un jour, les organes des sens se querellèrent à propos de la prééminence, l’un l’autre disant : « Je suis le meilleur ; » « je suis le meilleur. » Les organes vinrent trouver Prajâpati[2], leur père, et lui dirent : « Seigneur, quel est le meilleur d’entre nous ? » Il leur répondit : « Le meilleur d’entre vous est celui après le départ duquel on verrait le corps dans le plus mauvais état. »

« La parole sortit du corps. Après une absence d’un an, elle revint et dit :

  1. Nom primitif des anciens habitants de l’Inde.
  2. Le maître et le père de créatures qui représente l’âme universelle anthropomorphe — Cf. le démiurge du Timée de Platon.