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ii
ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Une des premières questions qui se présentent au sujet du Lalita vistara est celle de la date de sa composition.

Suivant M. Rhys Davids : « Le Lalita vistara est un livre sanskrit, un poème, d’une date et d’une autorité inconnues, composé, probablement au Népâl, par quelque bouddhiste qui vivait entre les années 600 et 1000 après la mort du Bouddha. Comme document pour le Bouddhisme primitif, il est à peu près de la même valeur que le serait un poème du moyen âge pour les faits de l’Évangile. Cette question de l’autorité du Lalita vistara est si importante, on renvoie si souvent à ce livre comme décidant les questions du Bouddhisme primitif, que tout lecteur de livres sur ce sujet fera bien de préciser et d’avoir présent à la mémoire ce qu’on sait de cette date[1]. »

M. Rhys Davids ne semble pas avoir examiné avec attention le texte sanskrit du Lalita vistara, car il y aurait vu que ce livre, qu’il appelle un poème, contient trois cents pages de prose et, tout au plus, deux cents pages de vers dans des mètres extrêmement variés. Il y aurait vu aussi que la prose est écrite en un Sanskrit généralement correct, tandis que les parties en vers appartiennent à un dialecte particulier où abondent des formes insolites empruntées parfois à la langue du Véda et plus souvent au Pâli et au Prâkrit : d’où l’on peut conclure que la prose et les vers ne sont ni du même auteur ni de la même époque.

Il n’est pas inutile de remarquer ici que, dans le Mahâvastu, l’un des ouvrages les plus importants de la collection des livres bouddhiques du Nord[2] les formes insolites des Gâthâs paraissent assez fréquemment dans la prose[3]. Ajoutons que M. Sénart nous a fait connaître la

  1. The Hibbert. Lectures, 1881, p. 197 et suiv.
  2. Le Mahâvastu, texte sanskrit publié pour la première fois et accompagné d’introductions et d’un commentaire par É. Sénart (Collection d’ouvrages orientaux publiés par la Société Asiatique), T. I, 1882.
  3. Ces exemples pris au hasard : P. 41, II, 6, 7 et 10. p. 128, l. 9. — p. 193, l. 16 et 17. — p. 229, l. 12, etc.