Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/10

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heure environ. Elle vient précisément de partir, quelques instants avant votre arrivée.

— Très bien, je vois que vous avez l’œil sur les jolies jeunes filles. Mais puisque celle-là est partie, je vous engage à aller vous reposer. Je vais prendre votre tour de faction.

Les deux hommes firent amicalement quelques pas ensemble. Pendant qu’ils continuaient leur conversation, Lafortune tira de sa poche sa chère pipe d’écume de mer et se mit à aspirer délicieusement quelques bouffées de tabac ; puis il dit à celui qu’il avait déjà nommé plusieurs fois du nom de Pierre : « Je compte sur vous pour me relever à six heures précises, à moins que vous n’ayiez de mes nouvelles d’ici là. »

Pierre se dirigea vers la cité, pendant que Lafortune, retournant sur ses pas, remontait la rue Saint-Hippolyte, dans l’attitude d’un flâneur qui n’a rien à faire qu’à bâiller aux corneilles. Après avoir fait une centaine de pas, il s’arrêta en face de la maison qu’il avait déjà examinée une première fois ; et il s’appuya négligemment contre un réverbère, en continuant à fumer sa pipe, sans cependant perdre de vue la porte de la maison.

Pendant qu’il exerce au dehors sa mystérieuse surveillance, nous pénétrerons, si le lecteur veut bien nous suivre, dans l’intérieur de la maison qui semble exciter à un si haut point l’intérêt et l’attention de Lafortune.

Dès le corridor, on entend une fraîche et harmonieuse voix de jeune fille, accompagnée par le piano. À cette voix, viennent se mêler, de temps à autre, les accents plus mâles d’une belle voix de ténor. Voici plus d’une demi heure que la musique se fait entendre sans interruption ; et un connaisseur reconnaîtrait du premier coup qu’il ne s’agit pas d’un simple exercice d’amateur, mais d’une leçon régulière.

Entrons dans le salon très modestement meublé, où a lieu cette leçon de chant.