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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/247

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chapitre quarante-quatrième.

l’Evangile, pour rassembler ses élus des quatre coins de l’univers, et l’œuvre de réunion n’est pas achevée ; des contrées nouvelles s’ouvrent à de nouveaux courages, la croix s’avance à travers le globe et trouve toujours des nations qu’elle n’a point encore bénies. Des mondes qu’Augustin ne soupçonnait pas ont reçu la bonne nouvelle, et le centre de son Afrique

est aujourd’hui aussi barbare, aussi éloigné de la foi qu’il l’était de son temps. Oui, l’âge chrétien auquel nous sommes parvenus est le dernier âge du monde ; il doit amener le genre humain au plus haut point de perfection qu’il lui soit permis d’atteindre ; mais combien de révolutions s’accompliront encore avant que l’unité morale soit faite dans l’univers !




CHAPITRE QUARANTE-QUATRIÈME.




L’affaire d’Apiarius. — Les deux livres des Noces et de la Concupiscence. — Julien. — Des mariages adultères. — Les quatre livrés sur l’âme et son origine.

(419-420.)


Voici une affaire dont il est resté peu de traces, mais qui eut un grand retentissement en Afrique, dans les années 418 et 419 ; elle tenait aux plus graves questions de discipline ecclésiastique, et fut pour l’épiscopat africain une occasion de maintenir ses usages et les décrets des conciles. Augustin prit part à ces débats ; il s’associa à des démarches, à des décisions toutes conformes à la légalité catholique, et dont le seul but était de donner de solides garanties à la justice, à l’ordre et aux bonnes mœurs.

Apiarius était un prêtre de Sicca, ville de la proconsulaire. Convaincu de diverses fautes, il avait été déposé et excommunié par l’évêque de cette ville, Urbain, disciple d’Augustin. Soit que la procédure de l’excommunication offrît quelque irrégularité, soit que le coupable eût envie de faire du bruit en cherchant pour sa cause un plus haut tribunal, il en appela au pape ; Zozime occupait la chaire de Pierre. Plusieurs conciles d’Afrique et même le plus récent concile de Carthage (418) avaient interdit ces appellations ; nulle constitution ecclésiastique ne les autorisait[1] ; les causes des ecclésiastiques devaient se juger et se terminer dans leur province ; le concile de Nicée s’était prononcé dans ce sens[2]. Si nous en croyons Baronius, Zozime reçut l’appel d’Appiarius, et de plus, le rétablit dans la communion catholique et la prêtrise. Trois légats eurent mission d’aller examiner l’affaire sur les lieux, et de traiter diverses questions qui naissaient du débat engagé : c’étaient Faustin, évêque de Potentia, dans la marche d’Ancône ; Philippe et Alsellus, prêtres de Rome. Zozime voulait que les évêques pussent en appeler à celui de Rome, que les prêtres et les diacres excommuniés témérairement par leurs évêques eussent pour nouveaux juges les évêques voisins ; il se fondait sur des canons du concile de Sardique, qu’il produisait sous le nom du concile de Nicée. Zozime menaçait de l’anathème l’évêque de Sicca, s’il ne revenait point sur ses décisions prises à l’égard d’Apiarius. Il désirait que les évêques s’abstinssent de fréquents voyages à la cour impériale ; l’épiscopat africain avait, onze ans auparavant, publié un règlement sévère sur ce point.

Les trois légats déclarèrent le but de leur mission dans une assemblée d’évêques tenue à Carthage, vers la fin de l’année 418 ; les évêques firent observer que leurs exemplaires du concile de Nicée ne renfermaient pas les canons sur lesquels se fondait Zozime ; quant au concile de Sardique, l’Afrique ne connaissait pas encore ses décrets. On convint de se soumettre aux canons produits par le Souverain Pontife, jusqu’à ce qu’on eût pris de suffisantes

  1. Tillemont, Mém. eccl., t. XIII.
  2. Malgré les conciles d’Afrique et le concile de Nicée, l’Église a maintenu au ; prêtres un droit d’appel à Rome.