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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/48

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HISTOIRE DE SAINT AUGUSTIN.

au milieu des montagnes ; nous avons cité le mont Sirtori ; citons encore les monts Gregorio, Barzago, Barzeno, San Salvadore. Licentius, dans une épître à son maître Augustin, se souvenait de ces montagnes, montesque per altos, lorsqu’il repassait les jours doucement écoulés à Cassiacum.

Il est dans l’univers des lieux que les leçons ou les études du génie ont rendus célèbres ; à Athènes, le jardin d’Académus ; sur les rivages de l’Attique, le cap Sunium ; dans l’île de Rhodes, la colline de Zimboli, où Eschine, exilé, avait fondé une école d’éloquence ; aux environs de Rome, la colline de Tusculum, où le souvenir de Cicéron plane avec tant de majesté ; ces lieux, et d’autres que nous pourrions nommer, sont visités respectueusement par le voyageur, et nous y avons senti nous-même tout le charme qui s’attache à la gloire. Cassiacum mérite de prendre rang parmi ces lieux fameux, et si les souvenirs de l’antiquité chrétienne n’avaient pas été négligés jusqu’à ce jour, les pèlerins de la religion, de la poésie et de l’histoire, auraient cherché jusqu’aux moindres traces de ce coin de terreaux environs de Milan. Ce fut là qu’Augustin, sur le seuil de la vie chrétienne, chercha dans les pleurs, trouva tout à coup et enseigna les hautes vérités morales et philosophiques, avec une merveilleuse puissance. Ce fut là que ce génie, tantôt méditant en silence, tantôt conversant avec une mère et des amis dignes de lui, se connut en quelque ; sorte lui-même pour la première fois. Il jeta du fond de cet asile hospitalier ses premières clartés sur le monde.

Parfois, fatigué du bruit et du vide des jours humains que Dieu ne remplit pas, on se prend à rêver une solitude où la vie ne serait occupée qu’à la recherche et à la contemplation du vrai. Des amis d’un même cœur, du même goût, d’un même amour pour les beautés impérissables, échangeraient leurs pensées, leurs découvertes de tous les jours, leurs inspirations celui qui serait le plus fort et le plus près de Dieu dirigerait, retiendrait ou exciterait les intelligences. Quoique les magnificences de la création ne soient qu’une ombre bien pâle des splendeurs divines, on choisirait pour retraite un site où la nature eût à la fois de doux sourires et une imposante grandeur. À chaque journée on franchirait un degré de l’invisible échelle des vérités éternelles, et c’est ainsi que d’un pas calme et joyeux, environné d’amitié, de lumière et d’espérance, on s’en irait, appuyé sur la croix, vers ce mystérieux rivage appelé la mort, qui n’est que le bord de l’océan de la vie !

Oh ! que ne suis-je né dans le siècle d’Augustin, et que n’ai-je été amené par une heureuse destinée à m’asseoir, avec Alype et Licentius, autour du maître dans cette prairie ou dans ces bains de Cassiacum ! Leurs mois passés dans la maison des champs de Verecondus apparaissent à mon esprit comme une vie écoulée sur le seuil du paradis. Licentius regrettera plus tard cette vie de paix et d’étude. Qu’ils sont à plaindre ceux qui, ayant goûté de telles délices, sont condamnés à retomber au milieu des agitations de la terre !




CHAPITRE SIXIÈME.




Baptême de saint Augustin. — Mort de sainte Monique à Ostie.

(387.)

Augustin avait écrit à saint Ambroise pour lui raconter ses erreurs passées et ses dispositions présentes, et le prier de lui indiquer ce qu’il devait lire dans les Écritures comme préparation à la grâce du baptême. L’évêque de Milan lui conseilla de lire Isaïe, parce que, de tous les prophètes, Isaïe est celui qui parle le plus clairement des mystères de l’Évangile et de la vocation des païens. Augustin se mit à lire les prophéties du fils d’Amos ; mais, ne les