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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome III.djvu/200

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qui était en lui ? — Ad. Je ne puis le nier. — Aug. Mais si je te demandais à quelle partie du discours se rapporte Oui ; tu dirais, je présume, que c’est non pas au nom, mais à l’adverbe, quoique la raison nous enseigne aussi que l’adverbe est un nom. — Ad. C’est parfaitement vrai. — Aug. Doutes-tu encore que les autres parties du discours soient des noms dans le même sens ? — Ad. Je n’en doute pas puisque je confisse qu’elles signifient quelque chose. Mais si tu me demandais comment s’appellent ou se nomment les objets désignés par chacune d’elles, je ne pourrais répondre qu’en nommant ces mêmes parties du discours que nous n’appelons pas des noms, mais que nous sommes forcés d’appeler ainsi, je le vois bien.

15. Aug. Ne crains-tu pas qu’on ne puisse affaiblir ce raisonnement et dire que l’autorité de l’Apôtre doit être reconnue pour la doctrine et non pour l’expression ; qu’ainsi le fondement de notre persuasion n’a point toute la fermeté que nous lui attribuons : car il se peut que, nonobstant la perfection de sa vie et de son enseignement, Paul ait parlé peu correctement dans cette phrase. Le oui était en lui, quand surtout il s’avoue lui-même inhabile dans la parole ? Que devrait-on répondre à cette objection ? — Ad. Je ne vois rien à répliquer, et pour appuyer ta démonstration sur une autorité, je te prie de choisir de préférence quelqu’un de ces hommes qui passent pour maîtres dans l’art de la parole. — Aug. Tu ccrois donc que sans recourir à quelqu’autorité, la raison est peu capable de démontrer que chaque partie du discours signifie quelque chose que l’on désigne par un nom et qui conséquemment porte un nom. Il est facile cependant de s’en assurer par la comparaison de plusieurs langues. Si tu demandes, en effet, comment les Grecs nomment ce que nous appelons qui interrogatif ? tous ne répondront-ils pas qu’ils le nomment tis ; Et je veux ? ils le nomment Thelo. Bien ? Ils le nomment kalos, Ecrit ? Ils le nomment to gegrammenen. Notre conjonction et ? Ils la nomment kai. Ab ? Ils le nomment apo. Comment nomment-ils hélas ? Ils le nomment oi. Or qui ne voit en parcourant toutes ces parties du discours, que ces questions sont exprimées correctement ? Et comment ce langage serait-il correct, si ces mêmes parties n’étaient pas des noms ? Cette manière de procéder prouve donc, sans recourir à l’autorité des hommes éloquents, que l’apôtre Paul a bien parlé. Qu’est-il besoin alors de chercher un auteur pour appuyer notre sentiment ?

16. Soit pesanteur, soit opiniâtreté d’esprit, il est possible que tous ne se rendent pas encore, et quelqu’un pourrait objecter qu’il ne cédera que devant l’autorité de ces écrivains que tous regardent comme les législateurs du langage. Eh bien ! Qu’y a-t-il pour les lettres latines de plus éminent que Cicéron ? Mais Cicéron, dans ces célèbres discours qu’on nomme les Verrines, appelle un nom la préposition coram, que pourtant il emploie alors comme adverbe. Il est possible que je comprenne trop peu ce passage et que d’autres ou moi l’expliquions différemment. Mais voici à quoi on ne peut répliquer. Les plus grands maîtres en logique enseignent que toute proposition complète, que l’on peut soutenir ou nier, se compose d’un nom et d’un verbe ; ce que Cicéron appelle quelque part un jugement. Quand le verbe est à la troisième personne, ajoutent ces maîtres, le nom doit être au nominatif, et ils ont raison ; tu peux t’en assurer avec moi. Lorsque nous disons L’homme est assis, le cheval court, tu reconnais sans doute deux jugements ? — Aug. Je les reconnais.— Ad. Et dans chacun d’eux tu vois un nom : homme, dans le premier : cheval, dans second ; et un verbe également dans chacun d’eux : dans le premier, est assis, et court dans le second ? — Ad. Je vois. — Aug. Si donc je me contentais de dire : Il est assis, il court, tu pourrais me demander qui ou quoi ? et je répondrais : l’homme, le cheval, l’animal ou quoi que ce fût, afin d’ajouter le nom au verbe et de compléter le jugement, c’est-à-dire la proposition qu’on peut soutenir ou nier. — Ad. Je comprends. — Aug. Attention à la conclusion !

Suppose que nous voyons quelque chose dans le lointain et que nous ignorons si c’est un animal ou un rocher où quelque autre objet ! Si je te disais ensuite : Puisque c’est un homme, c’est tin animal, ne serais-je pas téméraire ? — Ad. Très-téméraire. Mais il n’y aurait aucune témérité à dire : Si c’est un homme, c’est un animal.— Aug. Ta réflexion est juste. Aussi bien ce si me plaît dans ta phrase ; il te plaît également, et à tous deux nous déplaît le puisque de la mienne. —Ad. D’accord.— Aug. Vois maintenant si les jugements sont complets dans ces deux propositions : Le si plaît, le puisque déplaît ? —