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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome III.djvu/202

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et très-clair, nous ne découvrions pas quelle en est la signification. Il me semblait que nous n’employons pas inutilement cette expression dans le discours, qu’elle doit apprendre quelque chose à qui l’entend et qu’elle indique peut-être l’impression d’une âme qui découvre ou croit avoir découvert que ce qu’elle cherche n’existe pas. Tu m’as répondu alors ; mais par plaisanterie, et comme pour éviter je ne sais quelle profonde question, tu en as remis l’éclaircissement ù un autre moment. Ne crois pas que j’oublie non plus cet engagement contracté.

J’ai essayé ensuite d’expliquer le troisième mot du vers ; tu m’as pressé alors de ne pas substituer à ce terme un terme d’égale valeur, mais de montrer plutôt la chose même que signifient ces paroles. J’ai répondu que cela était impossible parle discours, et nous en sommes venus à parler des réponses qui se font par l’indication du doigt. Je pensais que tout ce qui est corps pouvait ainsi se montrer au doigt, mais nous avons découvert qu’il n’y a que les objets —visibles : de là, je ne sais comment, nous avons parlé des sourds et des histrions qui montrent sans parler, et du geste seulement, presque toutes les choses dont on peut parler, aussi bien que les objets visibles. Nous avons reconnu toutefois que leurs gestes sont des signes.

Nous avons recommencé alors à examiner comment nous pourrions montrer, sans employer de signes, les choses mêmes que rappellent les signes. Il était manifeste qu’on montrait par quelque signe cette muraille, la couleur et toutes les choses visibles qui peuvent s’indiquer du doigt. Je disais donc, par erreur, qu’il est impossible de rencontrer rien de semblable ; mais nous avons fini par tomber d’accord qu’on peut désigner, sans signe, ce que nous ne faisons point quand on nous interrogé, pourvu que nous le puissions faire après la question, excepté toutefois la nature du langage ; car si on nous demande, au moment où nous parlons, ce que c’est que le langage, il est clair que nous pouvons le définir par le langage même.

20. Par là, nous avons compris que l’on montre par signes : soit ce qui est signe, soit ce qui ire l’est point ; et que l’on fait connaître, même sans signe, ce que l’on peut faire après avoir été questionné. De ces trois propositions, nous avons entrepris d’étudier et de discuter la première, avec un soin particulier. Nous avons reconnu alors qu’il y a des signes qui ne peuvent compter parmi les signes qu’ils désignent eux-mêmes ; tel est le quadrisyllabe conjonction : et qu’il y a des signes qui le peuvent ainsi, en disant : le signe, nous désignons aussi la parole, et en disant la parole, nous comprenons en même temps le signe ; car le signe et la parole sont à la fois deux signes et deux paroles.

On a vu de plus que dans cette espèce de signes réciproques, il en est dont la signification est moins ou également étendue, d’autres encore qui ont la même signification. Ainsi ce dissyllabe, sine, comprend absolument tout ce qui peut désigner quoi que ce soit ; mais la parole ne s’entend pas de tous les signes, elle se restreint à ceux que profère la voix articulée. Aussi est-il clair, quoique le signe désigne la parole et quoique la parole désigne le signe, c’est-à-dire quoique les deux syllabes de l’un de ces mots reportent la pensée vers les trois syllabes de l’autre, que le signe s’étend plus loin que la parole, que ces deux syllabes désignent plus d’objets que les trois. Mais la parole, prise en général, a le même sens que le nom, considéré aussi d’une manière générale. Car la raison nous a fait voir que toutes les parties du discours peuvent être des noms, puisqu’aux noms se joignent naturellement les pronoms, puisque toutes ces parties peuvent servir de nom à quelque chose et qu’il n’en est aucune quine puisse former avec le verbe une proposition complète.

Néanmoins, de ce que le nom et la parole ont une signification également étendue quand toutes les paroles sont considérées comme des noms, il ne s’ensuit pas que cette signification soit identique. Il nous a paru probable, en effet, que des causes diverses ont fait appeler diversement le nom et la parole. La parole, avons-nous dit, affecte l’oreille, et le nom doit réveiller les souvenirs de l’esprit. On peut le prouver même par les phrases suivantes. Il est parfaitement correct de dire : Quel est le nom de cette chose, que l’on veut confier à la mémoire ? mais on ne dit pas : Quelle est la parole de cet objet ?

Parmi les signes dont la signification n’est pas seulement d’égale étendue, mais absolument la même, nous avons remarqué le nom et onoma. J’avais oublié, en parlant des signes qui se désignent réciproquement, que nous