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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome III.djvu/237

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LIVRE SECOND.


CHAPITRE VIII.
RÈGLES DE CONDUITE POUR LES JEUNES GENS. — ORDRE DE LEURS ÉTUDES.

25. Cette science est la loi même de Dieu. Toujours immuable et invariable en lui, elle se grave, pour ainsi dire, dans les âmes des sages. Ils savent que leur conduite est d’autant meilleure, et d’autant plus élevée, que la contemplation de l’esprit leur a mieux fait comprendre cette loi, et que leur genre de vie en est une plus fidèle observation. Or, cette science trace en même temps deux ordres à quiconque veut l’acquérir ; l’un est pour la conduite, l’autre pour les études. Tout jeune homme qui est épris de l’amour de cette loi, doit donc éviter les plaisirs de la chair, la sensualité dans la nourriture, les soins exagérés du corps et de la parure, les vaines occupations du jeu, l’appesantissement du sommeil et de la paresse, les rivalités, la jalousie, l’envie, l’ambition des honneurs et du pouvoir, et même le désir immodéré des louanges. Qu’ils regardent l’amour de l’argent comme le venin qui tuera infailliblement toutes leurs espérances ; que leurs actions ne ressentent ni la mollesse, ni l’arrogance.

S’agit-il des fautes de leur famille ? qu’ils bannissent toute colère, ou la compriment, jusqu’à ne point la laisser paraître. Nulle haine contre personne, nul vice qu’ils ne veuillent corriger. Qu’ils s’observent de manière à n’être ni excessifs dans la vengeance, ni trop réservés dans le pardon. Qu’ils ne punissent que pour améliorer, qu’ils n’aient point d’indulgence qui puisse encourager le mal, qu’ils aiment, comme les membres de leur famille, ceux qui sont soumis à leur autorité, qu’ils les servent comme s’ils rougissaient de commander, et qu’ils leur commandent comme s’ils étaient heureux de les servir. S’agit-il des fautes des étrangers ? qu’ils ne reprennent personne contre son gré, qu’ils évitent les inimitiés avec soin, les supportent de bon cœur, les terminent au plus tôt ; dans tout engagement, toute communication avec les hommes, il suffit d’observer cet adage vulgaire : Qu’on ne fasse point à autrui ce qu’on ne veut point endurer. Qu’ils ne consentent point à entrer dans l’administration de l’État, avant d’être parfaits, et qu’ils deviennent parfaits à l’âge sénatorial, ou mieux encore, dans la jeunesse.

Mais, que nul ne se croie exempt de tout précepte, parce qu’il ne s’en est occupé que dans un âge avancé ; l’observation ne lui en sera que plus facile dans l’âge mûr. Qu’en toute condition, en tout lieu, en tout temps, on ait des amis, ou que l’on cherche à s’en faire. Qu’on ait de la déférence pour ceux qui en méritent, et qui même ne s’y attendent pas. Qu’on ait peu d’égards pour les orgueilleux, et que soi-même on évite l’orgueil. Il faut une vie sage et décente : honorer Dieu, s’occuper de lui, le rechercher en s’appuyant sur la foi, l’espérance et la charité ; désirer, pour ses études et celles de ses amis, la tranquillité et de solides progrès ; pour soi-même et pour tous, s’il est possible, un bon esprit et une vie paisible.


CHAPITRE IX.
DE L’AUTORITÉ ET DE LA RAISON DANS LES ÉTUDES.

26. Il nous reste à exposer comment on doit étudier, quand on a entrepris de vivre comme nous l’avons dit. Nous ne pouvons avoir que deux moyens de nous instruire : l’autorité et la raison. Dans l’ordre du temps, l’autorité précède ; dans la réalité, la raison l’emporte. Autre chose est ce que nous faisons d’abord, autre chose ce que nous désirons et estimons davantage. L’autorité des hommes de bien paraît plus utile à la multitude ignorante, et la raison plus convenable aux savants. Cependant, comme tous sont ignorants avant d’apprendre, comme nul ignorant ne sait dans quelles dispositions il doit se présenter devant ses maîtres, ni quel genre de vie peut le préparer à la science ; l’autorité seule peut ouvrir la porte, quand on aspire à connaître quels sont les trésors mystérieux et divins. Le seuil une fois franchi avec assurance, on s’applique à suivre les règles de la vie parfaite, et par ce moyen, qui donne la docilité, on apprendra enfin quelle profonde raison il y a dans les préceptes qu’on a observés sans les comprendre, et ce qu’est cette raison qui succède aux langes de l’autorité, que l’on suit maintenant d’un pas ferme et que l’on comprend ; et ce qu’est cette intelligence en qui tout est renfermé, ou plutôt, qui est tout ; et ce que c’est, en dehors de tout, que le principe de tout.

Peu arrivent, en cette vie, à cette connaissance, et nul ne peut aller au delà, même en l’autre vie. Quant à ceux qui se contentent de