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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/700

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mon Père, qui m’a envoyé, m’a lui-même prescrit ce que je dois dire, et la manière dont je dois parler ». Nous ne nous mettrions pas en peine de vous expliquer cela, si nous étions certains de parler à ceux-là seuls qui ont entendu ce que nous en avons dit précédemment ; et quoique ceux qui nous ont entendu ne soient pas tous là, si ceux qui s’y trouvent avaient retenu dans leur mémoire ce qu’ils ont entendu. Mais il en est peut-être ici qui n’ont pas entendu nos précédents discours ; ils ressemblent à ceux, qui ont oublié ce qu’ils ont entendu ; à cause d’eux, nous prions ceux qui ont retenu ce qu’ils ont entendu de nous permettre de nous arrêter quelque peu. Comment le Père donne-t-il un commandement à son Fils unique ? Par quel Verbe parle-t-il à son Verbe, puisque son Fils est lui-même son Verbe unique ? Est-ce par un ange ? C’est par lui qu’ont été créés les anges. Est-ce au moyen d’une nuée ? Mais quand du sein de cette nuée une voix se fit entendre au Fils, ce ne fut pas, Jésus nous l’apprend lui-même ailleurs, ce ne fut pas pour lui, mais pour les autres qui devaient recevoir de tels enseignements. Est-ce par un son articulé par des lèvres ? Mais il n’a point de corps et aucun intervalle ne sépare le Fils du Père : entre eux, il n’existe aucun espace rempli d’air, qui, étant agité, produirait une voix capable d’arriver jusqu’à l’oreille. Gardons-nous bien d’avoir de telles pensées de cette substance incorporelle et ineffable. Le Fils unique est le Verbe du Père et la sagesse du Père. En elle sont tous les commandements du Père. Ainsi le Fils n’a jamais ignoré aucun commandement du Père : par conséquent, il n’était pas nécessaire qu’il reçût dans le temps ce qu’il n’avait pas auparavant. Tout ce qu’a le Fils, il l’a reçu du Père, mais c’est en naissant qu’il l’a reçu, et c’est en l’engendrant que le Père le lui a donné. Le Fils est la vie, et assurément il a reçu la vie en naissant, et il n’y a pas eu auparavant un moment où il ait existé sans avoir la vie. Car le Père a la vie et il est lui-même la vie qu’il a ; mais il ne la reçoit pas, parce qu’il n’est pas d’un autre. Mais le Fils a reçu la vie, et c’est le Père duquel il est, qui la lui a donnée. Le Fils est aussi ce qu’il a : car il a la vie et il est la vie. Écoutez ce qu’il dit lui-même : « Comme le Père a la vie en lui-même, il a aussi donné au Fils d’avoir en lui-même la vie [1] ». L’a-t-il donnée à quelqu’un qui existait déjà, mais sans avoir la vie ? Il lui a donné la vie par cela même qu’il l’a engendré. Il a donc engendré la vie, et la vie a engendré la vie. Et comme ce qu’elle a engendré lui est semblable, elle n’a pas engendré une vie différente d’elle-même. C’est pourquoi il a été dit : « Comme le Père a la vie en lui-même, il a aussi donné au Fils d’avoir en lui-même la vie ». Il a donné la vie, car en engendrant la vie que lui a-t-il donné, sinon d’être là vie ? Et comme cette naissance est éternelle, il n’y a jamais eu un seul instant où n’ait pas existé le Fils qui est la vie ; jamais le Fils n’a été privé de vie, et de même que sa naissance est de toute éternité, ainsi celui qui est né est la vie éternelle. Par conséquent, le commandement qu’a donné le Père, le Fils n’a jamais été sans l’avoir reçu. Mais, comme je vous l’ai dit, tous les commandements du Père sont dans la sagesse du Père, c’est-à-dire dans le Verbe du Père. Il est dit cependant qu’un commandement a été donné, parce que celui qu’on dit l’avoir reçu n’est pas de lui-même ; et donner au Fils ce sans quoi il n’a jamais existé, c’est engendrer le Fils qui n’a jamais été sans exister.
8. Le Sauveur ajoute ensuite : « Et je sais que son commandement est la vie éternelle ». Si donc le Fils est la vie éternelle, et si la vie éternelle est le commandement du Père, n’est-ce pas dire : Je suis le commandement du Père ? Aussi, quand il ajoute : « Ce que je dis, je le dis comme le Père me l’a dit », il ne faut pas entendre ces mots : « Comme le Père me l’a dit », en ce sens que le Père ait adressé la parole à son Verbe unique, ou bien que le Verbe de Dieu ait besoin des paroles de Dieu. Comme le Père a donné la vie au Fils, ainsi il a dit au Fils, non ce que le Fils ignorait ou n’avait pas, mais ce qu’était le Fils lui-même. Qu’est-ce à dire : « Comme le Père m’a dit, ainsi je parle », sinon : Je dis vrai ? Le Père l’a dit, parce qu’il est la véracité même ; le Fils le dit, parce qu’il est la vérité. Celui qui est la véracité a engendré la vérité : que pourrait-il donc dire maintenant à la vérité ? La vérité n’était pas imparfaite, on ne pouvait lui ajouter rien de vrai : il a donc parlé à la vérité, parce qu’il l’a engendrée. La vérité dit ce qui lui a été dit ; mais elle le dit à ceux qui la comprennent

  1. Jn. 5, 26