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Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/134

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LE SYMBOLISME

quelconques de la vie journalière, amassés, enfilés les uns aux autres et unis sous la couverture jaune d’un volume Charpentier. Nous demandons aux écrivains qui adoptent nos théories une science complète de la langue et des langues mères, la recherche du mot exact qui, sous sa forme unique, réunira la matière de trois ou quatre phrases actuelles. S’ils mettent de la lumière dans leurs livres, il faut qu’elle éclate, qu’elle vibre, qu’elle se tamise, qu’elle brille ; leurs étoffes doivent se plier, étendre leurs teintes et les rompre ; leurs sensations doivent être complexes et une cependant ; le personnage doit vivre en dedans et y construire le monde extérieur d’après sa conformation spéciale ; et comme le rêve est indistinct de la vie, il lui faudra peindre l’état de rêve aussi bien que l’état d’hallucination, aussi bien que les rêves constants de la mémoire, puis rythmer la phrase selon l’allure de l’idée, employer certaine sonorité pour telle sensation, certaine mélodie pour telle autre, proscrire les sons qui se répètent sans harmonie voulue, rappeler une idée exprimée d’abord par un vocable d’autre valeur, mais semblable d’assonance à la première expression..... » Enfin Paul Adam réclamait pour l’artiste l’honneur de guider et non de flatter la foule : « Nous ne croyons plus aujourd’hui que l’artiste soit spécialement un pitre destiné au plaisir des foules, anxieux de lire au visage public les approbations et prêt à changer sa grimace si l’on feint de sourciller. Sa mission vise de plus hautes espérances. A. la foule de le suivre, de le comprendre, de s’immiscer à lui, de compliquer ses propres sensations en goûtant les siennes. Lui ne doit composer que pour lui, c’est-à-dire pour l’Art qui brûle en lui et qu’il objectera. Tant pis, si par leur bestialité les foules restent sourdes et aveugles. La vie moderne ne nous demeure point interdite, ainsi que le pense M. Sutter-Laumann. Mais il sera permis de transfigurer dans une synthèse autre que celle donnée jusqu’à ce jour par l’impressionnisme du roman. Nous ne la peindrons pas telle qu’elle