laire, ce qui fait de lui le disciple révolté du poète des Fleurs
du Mal. Certes Verlaine comme Baudelaire ne manque pas
de goût pour le paradoxe macabre[1], mais il n’a pas en face
de la décomposition les jouissances insolites qu’étale avec
vanité l’auteur de la Charogne. L’idéalisme de Verlaine ne
lui laisse pas regarder sans horreur la désagrégation pestilentielle
de la matière. Verlaine ne se complaît guère à des
spectacles uniquement funèbres ; il parle de la mort, il en
rend l’épouvante, car la mort est, hélas, parmi les choses
humaines. S’il ne la craint pas, si même comme chrétien il
espère obtenir par elle la paix et le bonheur éternel, il en
peint l’appareil avec un dégoût visible. La Mort de Philippe
III[2], où les détails naturalistes abondent peut-être
trop, se termine par ces trois vers :
Et puis, plus rien, et puis sortant par mille trous,
Ainsi que des serpents frileux de leur repaire,
Sur le corps froid les vers se mêlèrent aux pous.
La description ne se prolonge pas. Quoique Verlaine se
reconnaisse encore l’élève obéissant du parnasse et qu’il soit
à l’époque où Baudelaire l’enthousiasme, il ne se délecte pas
au récit de l’horreur. Homme sain, aimant la vie et croyant,
il se borne à versifier son haut-le-cœur. La mort d’ailleurs
ne lui semble qu’une apparence. Elle n’est pas la fin de
tout. Voilà le sens de cette fantaisie irrespectueuse intitulée
le Squelette[3]. Deux reîtres ivres aperçoivent dans un
fossé une carcasse humaine à demi dévorée par les loups.
Pressés d’un besoin naturel après tant de libations, il leur
vient en tête de profaner le cadavre.
Mais comme il ne faut pas insulter au Néant
Le squelette s’étant dressé sur son séant
Fit signe qu’ils pouvaient continuer leur route.